Le baptême du feu

La première guerre mondiale

 

 

 

Les forces maritimes en présence

  

A la veille de la guerre, la France à la tête de la 5ème Marine mondiale, possède hormis 8 cuirassés modernes, une flotte d’un âge assez avancé et d’une conception généralement obsolète.

Face à elle, la jeune Marine allemande, est dotée d’un matériel technique élevé, d’une artillerie excellente et pour ne rien gâcher, d’officiers de premier ordre et d’équipages très entraînés.

En Méditerranée, une autre Marine nous est opposée : c’est celle de l’Autriche-Hongrie. Bien que moins redoutable, celle-ci n’est pas à négliger avec ses 9 cuirassés, sa dizaine de croiseurs et un nombre équivalent de sous-marins.

A cette époque, la neutralité affichée par l’Italie et l’alliance conclue avec la Grande Bretagne, allaient nous « tirer une épine du pied », car à elle seule, la Marine française n’aurait pu soutenir la guerre sur mer.

Les accords navals secrets que nous avions conclus avec l’Angleterre en 1913, conduisent en août 1914 aux responsabilités suivantes :

   - La Royal Navy se chargeait à elle seule, des opérations en Mer du Nord (Elle le démontra un peu plus tard lors de la bataille du Jütland).

   - Pour le Pas de Calais, des flottilles de torpilleurs et de sous-marins anglais, basées à Douvres, seraient soutenues par leurs équivalents français, basés à Dunkerque, Calais et Boulogne.

   - Pour la Manche occidentale, ce secteur revenait à la France, avec une escadre de croiseurs, des torpilleurs et des sous-marins.

   - Quant à la Méditerranée, la Flotte française en était responsable du bassin occidental, et l’escadre anglaise de Malte, du bassin oriental.

 

Au début d’août 1914, l’Armée navale française composée des 2 escadres de ligne, de la division de complément et des divisions légères se concentre à Toulon. La 2eme  escadre légère, comprenant les croiseurs du Nord, opère dans la Manche et en Mer du Nord.

L’Allemagne de son côté, mobilise sa marine le 31 juillet, et sa « Hochsee-Flotte » est prête dans les différents ports du pays.

L’Autriche-Hongrie, a toute sa Marine concentrée à Pola et Cattaro en Mer Adriatique (avec secrètement sur les lieux, 2 croiseurs allemands : les GOEBEN et BRESLAU. Ces deux bâtiments sous les ordres de l’amiral SOUCHON, se trouvent à la date du 2 août à Messine, pour y ravitailler en combustible.

 

 

Déclenchement des hostilités

 

Afin de pouvoir acheminer les troupes d’Afrique du Nord vers la Métropole, des navires de commerce ont été réquisitionnés. Pour protéger ces convois, l’Armée navale appareille de Toulon, vers Oran, Philippeville et Alger. Dans la nuit du 3 au 4 août, les 2 croiseurs allemands précédemment vus à Messine, bombardent les villes de Bône et Philippeville en Algérie. Faisant ensuite mine de se diriger vers Alger, afin de leurrer les bâtiments de l’Armée navale, ils font alors demi-tour, croisent sur leur route les croiseurs INDEFATIGABLE et INDOMITABLE britanniques. La guerre n’étant pas encore déclarée entre ces 2 pays (seulement quelques heures plus tard), les bâtiments anglais n’ouvrent pas le feu.

 

A la suite des actions menées par les Croiseurs GOEBEN et BRESLAU en Algérie, les hydravions Nieuport de Nice (sous les ordres du LV de L’ESCAILLE – voir chapitre suivant), sont alors chargés d’essayer de repérer ces 2 croiseurs. Ce seront de vaines recherches, ces 2 derniers se dirigeant vers la Turquie, poursuivis à grand peine par le britannique GLOUCESTER. Les 2 croiseurs allemands franchissent le détroit des Dardanelles le 10 août, traversent la mer de Marmara et mouillent à Istanbul. Les britanniques en retard d’une demi journée, n’arrivent qu’à la nuit tombée aux portes des Dardanelles, où l’accès leur est refusé. Durant ce temps, une vente fictive, transfère les 2 bâtiments allemands à la Turquie. L’amiral SOUCHON endosse l’uniforme ottoman, et ce pays n’étant pas encore mêlé au conflit, l’affaire est jouée…..

La présence à Istanbul de ces 2 croiseurs, conduit les alliés à bloquer l’entrée des Dardanelles, au moyen d’une force navale britannique renforcée à compter du 25 septembre par les croiseurs français VERITE et SUFFREN. La garde sera montée jusqu’en janvier 1915.

 

 

Premières opérations de l’aviation maritime

 

Six monoplans Nieuport à flotteurs (moteur de 80 chevaux) d’une autonomie de vol de 3 heures, et pouvant embarquer 2 hommes (1 pilote et 1 observateur), avaient été construits suite à une commande turque. En prévision des hostilités qui vont se déclencher, les livraisons de ces hydravions sont arrêtées. Ces derniers sont réquisitionnés et livrés à la Marine française.

Le 29 juillet 1914, le commandant de LA FOUDRE, reçoit de l’Etat-major général l’ordre de constituer, avec les moyens existants, 2 escadrilles destinées à surveiller les éventuels mouvements de la Flotte italienne. Ces 2 formations se répartissent comme suit :

- Un groupe de 4 puis 8 Nieuport, basé à Nice sous les ordres du LV de L’ESCAILLE, est chargé d’assurer la surveillance du secteur de La Spezzia. L’Italie  ayant déclaré sa neutralité dans le conflit mondial, ces appareils sont ensuite mis en caisse et transportés par mer à Bizerte, où ils arrivent le 4 septembre.

- Une autre escadrille de 4 Nieuport basée à Bonifacio et commandée par le LV de LABORDE, doit s’assurer des îles de la Madalena en Sardaigne. L’installation des hydravions à Bonifacio, s’avérant difficile, l’escadrille est ramenée en métropole début septembre par paquebot, et stationnée ensuite à Saint Raphaël.

 

              

 

Afin de faire sortir la Flotte autrichienne de ses ports pour l’anéantir, l’Armée navale française rassemblée à Bizerte fait route vers l’Adriatique et la mer Ionienne le 8 août 1914 et arrive sur place le 12. Elle bombarde les forts de Cattaro ainsi que ceux de Lissa après avoir, le 18, coulé le croiseur autrichien ZENTA.

LA FOUDRE se trouve lui aussi en Adriatique avec 2 hydravions Nieuport. Décollant depuis la rade d’Antivari (de nos jours : Bari), ces derniers survolent la flotte autrichienne. Lors de ces survols, quelques accrochages se produiront avec des Donnet-Lesveque autrichiens (ils en avaient acheté à la France !).

Notons que dans ces eaux, les sous-marins ennemis rodent en permanence. Nous y perdrons le sous-marin CURIE le 19 décembre. Le cuirassé JEAN BART sera torpillé (sans couler) le 21, et remis en état à Malte par la suite.

 

Depuis le mois d’août, la Turquie (alliée de l’Allemagne)  a mobilisé des troupes en Syrie et en Palestine. Sur l’inspiration de l’Etat-major allemand, une expédition en vue de s’emparer du canal de Suez est décidée.

Djemel Pacha, assisté du colonel Von KRASSENSTEIN, prend le commandement d’une troupe de 25 000 hommes et se dirige à partir du 21 novembre vers l’Egypte. Or le canal est vital pour l’Angleterre et la France, des troupes  venues des Indes, d’Australie et de Nouvelle Zélande, doivent y transiter. Deux bâtiments français (REQUIN et D’ENTRECASTEAUX) sont appelés en renfort et sont mouillés respectivement au lac Timsah et au nord des lacs Amers.

Lors de l’avancée des Turcs vers l’Egypte, les Britanniques avaient bien 3 avions terrestres sur place pouvant servir d’observatoire, mais le rayon d’action de ces appareils était très insuffisant. L’Amirauté britannique demanda alors le concours aérien de la France. Le 27 novembre, LA FOUDRE charge à son bord les Nieuport vus précédemment à Bizerte, se présente à Port-Saïd le 30 et y dépose les appareils ainsi que 30 de nos marins. Parmi ces hommes on peut y relever les noms des Lieutenants de Vaisseau : de L’ESCAILLE, DELAGE et DESTREM, et des Quartiers-maîtres : LE GALL, TROUILLET et GRAAL.

 

     

 

Le 5 décembre les vols de guerre commencent et de nombreuses reconnaissances effectuées.

A partir du 15 du même mois, les Nieuport de l’escadrille embarquent sur les croiseurs britanniques DORIS et MINERVA, afin de surveiller plus loin l’éventuelle avancée de l’Armée turque. La compagnie du canal de Suez, grée ensuite en « porte-aéronefs » les cargos ANNE et RAVEN, sur lesquels embarqueront les appareils.

Etrange épopée que celle de ces marins aviateurs à bord des Nieuport au dessus du désert, alertant par radio(*) les troupes britanniques, tout en se donnant le plaisir d’attaquer les caravanes guerrières en rase mottes….

(*) D’après Mr Yves De Kerguistel (ancien officier à St Raphaël, puis ingénieur chez « Loire » à Saint-Nazaire, c’est lui qui affecté au service torpilles d’un bâtiment, bricola un petit émetteur léger marchant sur accus, émetteur composé principalement d’un condensateur constitué avec des plaques photos et du papier d’étain. Cet émetteur, toujours d’après Mr de Kerguistel, portait à 20 km.

 

Grâce à l’aviation maritime française, toutes les tentatives turques d’attaque par surprise, échouent. Notons toutefois que traversant le désert du Sinaï, les Turcs arriveront en vue du canal. Notre garde-côtes cuirassé REQUIN les prend à partie, anéantit leurs projets, et les oblige définitivement à faire marche arrière. Le canal de Suez est sauvé !

Sur la côte de Syrie, durant ce temps, l’Escadre française entretient un blocus étroit et veille surtout à couper les communications avec la Tripolitaine (Libye actuelle) où les Turcs cherchent à soulever la confrérie Senoussis La tâche est considérable et dangereuse (Pour preuve, le torpillage de notre Croiseur-Cuirassé AMIRAL CHARNER le 8 février 1916, dont un seul homme sur 400 fut sauvé).

Notre escadrille d’aviation maritime, qui continue ses patrouilles maintenant au dessus de la Syrie, perdra l’un de ses Nieuport dans ce pays en 1915.

Pour information, le centre d’aviation de Port-Saïd est abandonné en avril 1916 et transféré à Argostoli en mer Ionienne, afin d’apporter son soutien aérien à l’Armée navale (Les Nieuport convoyés à bord du CAMPINAS).

 

Année 1915

   

Après que l’U.24, le 26 octobre 1914, ait torpillé sans sommation le cargo français AMIRAL GANTEAUME  chargé de 2500 réfugiés belges et dont 76 périrent, des protestations s’élèvent à l’encontre de l’Allemagne qui a commis un acte contraire aux lois de la guerre. Cette dernière répond alors que les Franco-anglais font de même...

Lorsqu’il apparaît à l’Allemagne, que la guerre risque de durer plus longtemps que prévu et que le blocus serait appelé à jouer un rôle primordial dans les opérations terrestres, son Etat-major décide d’employer l’arme sous-marine, à la guerre de course contre le commerce allié.

  

Fin 1914, l’aviation maritime semble en voie de disparition. En effet le recrutement du personnel est arrêté, et une grande partie de son personnel volant est cédée sur demande du ministre de la guerre, à l’aéronautique militaire afin de renforcer celle-ci.

Or, l’Armée allemande qui avait envahi la Belgique dès août 1914, s’était emparée par la même occasion des ports de la côte. La Marine allemande s’installe donc à Zeebrugge et Ostende... depuis ces bases les sous-marins commencent à sévir à partir de novembre. Sous cette menace, il est alors décidé de créer un centre d’aviation maritime tout proche du Pas de Calais. Ce dernier verra tout d’abord le jour en décembre à Boulogne, puis  sera transféré début 1915 à Dunkerque. Ce centre est double : Sur le terrain de Saint Pol sont stationnés des avions terrestres de bombardement (Biplans Voisin, surnommés « cages à poules »), tandis qu’à l’intérieur du port sont basés des hydravions de surveillance (de type FBA). Mais ces 2 sites sont une seule unité administrative, commandée par un Lieutenant de Vaisseau. Nous  retrouvons le 4 avril 1915  à ce commandement,  le LV Jean de LABORDE (Futur amiral et qui lors du sabordage de la Flotte en 1942, commandait à Toulon les Forces de haute mer).

 

            

 

Les biplans Voisin du terrain de Saint Paul, sont utilisés en tant que bombardiers, sur les ports militaires de Zeebrugge, d’Ostende et de Bruges. Cette escadrille, sera complètement anéantie dans la nuit du 1er au 2 octobre 1917, lors d’un bombardement aérien allemand.

Le 10 février, marque la date du premier bombardement par un hydravion (sur la base sous marine d’Ostende). Armé de bombettes d’une dizaine de Kg, l’appareil, et pour cause, n’occasionne pas de gros dégâts…. Il faut noter toutefois que ces hydravions de patrouille côtière sont armés de bombes très faibles, qui leur interdisent pratiquement une action offensive énergique. Ils se contentent à cette époque, de signaler l’ennemi aux patrouilleurs, à l’aide d’une TSF balbutiante et plus sûrement avec des messages lestés et jetés par-dessus bord…. Ils s’éloignent rarement à plus de 100 Km de Dunkerque et effectuent généralement des parcours triangulaires en mer du Nord. Dans cette zone souvent couverte de brumes, chalutiers, sous-marins,  torpilleurs et autres petits bâtiments, essaient de naviguer entre champs de mines et barrages...

Au fils du temps l’unité s’étoffera de nouveaux appareils. Aux FBA utilisés de 1915 à 1917, viendront s’ajouter à partir de 1916  des Donnet-Denhaut ainsi que des Sopwith, puis à compter de 1917 des Hanriot HD2 et  des Tellier .

Durant toute la durée de la guerre, ces hydravions de reconnaissance vont repérer ou attaquer plus d’une quarantaine de sous-marins ennemis.

 

        

 

 

Le Pas de Calais, devenant gênant pour les submersibles ennemis, ces derniers vont alors faire le tour par le nord de l’Ecosse. Ils infesteront ensuite la mer d’Irlande et on les retrouvera à l’ouvert de la Manche et en avril 1915 en Méditerranée…. Dans cette seule année 1915, 726 navires sont ainsi envoyés par le fond. Au 31 décembre 1915, l’Allemagne qui avait mis jusqu’alors 80 sous-marins en service, en avait perdu 24. Il lui en restait plus d’une cinquantaine, et un nombre d’environ 150 étaient en construction…..

 

En Adriatique le 28 avril 1915, torpillé par le sous-marin Autrichien U.5, notre croiseur LEON GAMBETTA coule, et entraîne 680 hommes dans la mort.

Suite à des discussions avec l’Italie, la France et la Grande Bretagne promirent que si celle-ci déclarait la guerre à l’Autriche, les points suivants seraient observés :

   - Création d’une première Flotte alliée, sous les ordres du Commandant en Chef de l’Armée Navale italienne, avec adjonction aux unités italiennes de 12 contre-torpilleurs , de torpilleurs, de sous marins et de dragueurs, d’une escadrille d’hydravions et d’un navire porte-avions, tous français, et du côté britannique d’une division de 4 cuirassés et de 4 croiseurs. Le commandant en chef de l’Armée navale italienne ayant l’initiative de la direction des opérations exécutées dans l’Adriatique par cette flotte.

    - Réunion d’une deuxième Flotte alliée, constituée par des bâtiments de l’Armée navale française et les bâtiments italiens ou anglais, non utilisés par l’Italie. Cette Flotte serait placée sous les ordres du commandant en chef de l’Armée navale française, mais devrait répondre à l’appel du commandant en chef italien.

Les bases seraient communes. Toutefois lorsque la 1ere flotte aurait sa base à Brindisi, la 2eme devrait utiliser Tarente, Malte et Bizerte. Si la 1ere Flotte remontait à Venise, Brindisi deviendrait disponible pour la 2eme Flotte.

Ces points une fois réglés, l’Italie déclara la guerre à l’Autriche-Hongrie le 24 mai, et les bâtiments commencèrent les mouvements prévus lors de la convention.

L’aviation maritime française est alors très employée dans la défense des côtes et y subit quelques pertes sensibles. Ses unités sont réparties ainsi :

  - Une escadrille à Venise en fin mai 1915, avec des hydravions FBA. A sa dissolution en juin 1917 elle aura perdu une vingtaine d’hommes (dont 4 officiers).

   - Une escadrille  à Brindisi en septembre 1915, avec des Nieuport monoplans et 1 Caudron 150. Elle est dissoute en janvier 1916.

 

Sur un tout autre plan, l’année 1915 est marquée le 18 mars (lors de la vaine tentative de forcement d’entrée du détroit des Dardanelles par l’escadre franco-anglaise), de la perte de notre Cuirassé BOUVET, sur une mine dérivante (638 morts) . Notons aussi la perte également dans cette zone, toujours sur mines, de 3 de nos sous-marins : SAPHIR (15 janvier), JOULE (1er mai), et  MARIOTTE (27 juillet).

Hors de ce lieu, une autre perte est subie le 27 décembre 1915. C’est celle du sous-marin MONGE. Parti de Brindisi pour assurer la surveillance devant l’entrée de Cattaro, il est endommagé par un patrouilleur autrichien qui l’a abordé. Remonté en surface, il est alors canonné par les bâtiments ennemis. L’équipage est sauvé, seul le Commandant, le LV MORILLOT  resté à bord, est enseveli avec lui.

 

 

Année 1916

 

Les sous-marins allemands continuent leurs ravages. Afin de contrer quelque peu cette hémorragie, la plupart des bâtiments de commerce sont alors équipés soit de canons de 47, de 67 et même de 75.

   - Boulogne et Calais sont dotées de torpilleurs de 600 tonnes, de torpilleurs légers de côte et de 8 sous-marins.

   - Le front terrestre s’embourbe dans la guerre de tranchées…..

La lutte anti-sous-marine devient le sujet de préoccupation. Outre les mesures navales, le haut Etat-major se tourne vers l’aviation et l’aérostation maritime. Le programme, prévoit la constitution d’un cordon de protection sur le littoral. A cet effet il est décidé de la création de Centres d’Aviation Maritime à Boulogne (décembre), Le Havre (avril), La Pallice (Juin), Saint-Mandrier (août)….. Chacun d’entre eux est doté de 8 hydravions. Les hydravions vus en 1915, quant à eux continuent leurs patrouilles. Au cours de cette année de nouveaux appareils commencent à entrer en service. Il s’agit des Donnet-Denhaut, moteur en étoile de 160 chevaux (livrés à partir de mars) et à compter d’octobre d’autres de la même marque, mais avec  moteur en ligne de 150 chevaux. Ces hydravions ont une sécurité de vol ainsi qu’un rayon d’action très augmentés vis-à-vis des FBA de 110 chevaux. De plus, 2 bombes de 52 kg peuvent être emportées à bord avec les 2 hommes d’équipage. A noter en marge des Donnet-Denhaut, que les FBA de Dunkerque, vont souffrir d’un incendie qui détruit 3 hangars en décembre. Une douzaine d’exemplaires de ces FBA sont ainsi  calcinés.

Une escadrille terrestre de chasse  est créée en janvier  à Saint Pol (Dunkerque), avec des Nieuport XII biplaces. Elle percevra ensuite à partir d’octobre des Nieuport XVII monoplaces puis, à compter de décembre, des Sopwith britanniques. Elle est destinée à  escorter et protéger les bombardiers Voisin.

 

L’aéronautique maritime se dote à partir de fin 1915, d’un parc de ballons dirigeables. Ils sont tout d’abord basés à Marquise-Rinxent dans le Pas de Calais, et il s’agit de modèles britanniques (vedettes de type SS et SSZ et patrouilleur CP4).

L’Aéronautique militaire qui jusqu’alors utilisait des dirigeables, renonce à leur utilisation jugée trop périlleuse sur le front terrestre. Elle transfère à partir de 1916, une dizaine d’entre eux (dont on peut citer quelques noms : "Chalais Meudon", "Montgolfier", "Fleurus", "Tunisie", "Capitaine Caussin", "Champagne", "Lorraine"...). Ils sont alors utilisés  par la Marine française à l’observation en mer. Notons toutefois, que ces derniers continuent à être commandés par des officiers de l’aéronautique militaire. Des ports d’attache sont crées pour ces dirigeables (Montebourg, Rochefort sur mer,  Guipavas, Aubagne…).

 

Nous avions laissé dans cette rétrospective et lors de la déclaration de guerre en 1914, le centre d’aviation maritime de Fréjus. Par la suite, il va devenir la maison mère des nouveaux centres crées (Port-Saïd, Boulogne, Dunkerque, Venise etc…)  Tout le personnel destiné aux nouvelles escadrilles y est formé. En 1916, près de 600 hommes participent à l’installation et au ravitaillement des centres existants (Dunkerque, Boulogne, Le Havre, La Pallice, Argostoli, Corfou, Salonique, Bizerte et Venise).

Le 8 septembre 1916, la commission d’Etudes pratiques d’Aéronautique (C.E.P.A.) y est créée.  Celle-ci a pour but, de procéder aux études expérimentales de matériels aériens et d’assurer l’instruction du personnel spécialisé de l’aviation maritime (Pilotes, observateurs, mécaniciens…). Elle s’occupe également de l’expérimentation des munitions et de l’appareillage s’y rapportant.

En raison du début de la prolifération des centres d’hydravions, celui de Fréjus, entame les leçons de pilotage sur hydravions, afin de faire obtenir aux pilotes de la Marine fraîchement émoulus des cours basiques d’aviateurs terrestres, la capacité suffisante pour piloter ces machines marines. Ces cours qui durent environ 2 mois, permettent à l’aviation maritime de disposer en fin d’année 1916 d’une centaine de pilotes, et en mai 1917, de plus de 300.

  

Le porte hydravions LA FOUDRE, on s’en rappelle, était affecté jusqu’en juillet 1914 au Centre d’Aviation Maritime de Fréjus. Que devient-il ?

- Quitte Fréjus le 31 juillet afin de débarquer 4 hydravions destinés à Bonifacio.

- Appareille le 3 août de Toulon pour se diriger en mer Ionienne.

- Se trouve à Port-Saïd début décembre pour y débarquer des Nieuport destinés au LV de L’ESCAILLE.

- Sert de navire atelier pour l’escadre, dans l’île de Mytilène du 20 au 30 décembre.

- Du 15 mars au 23 mai 1915, se trouve à Moudros pour l’aviation aux Dardanelles.

- Croisant ensuite devant les côtes de Syrie, il sert ensuite de base à Milo, ensuite à Argostoli, puis à nouveau à Milo,  du 28 octobre 1915 au 22 novembre 1918.

- Désarmé le 1er décembre 1921.

 

Au point de vue porte hydravions, il faut noter l’utilisation d’un cargo, qui réquisitionné en 1915, sera  modifié en janvier 1916 en vue de cette utilisation, et sera opérationnel à partir du 21 mars.  Il s’agit du CAMPINAS.  Ce dernier naviguera tout d’abord le long des côtes  du Liban et de la Syrie avec des Nieuport du Centre d’aviation de Port-Saïd. En juillet il revient sur Toulon et y embarque en remplacement 4 FBA 110.  Ses hydravions (dont le nombre atteindra 6 par la suite) opèreront alors dans les secteurs de Milo, Corfou et Salamine. L’activité de ce bâtiment  en tant que porte hydravions se poursuivra jusqu’à l’armistice de 1918.

Il est à noter que 7 autres bâtiments furent réquisitionnés pour être utilisés ainsi.

- ANNE RICKMERS (avec 2 Nieuport)

- DORADE (utilisé par Marine Casablanca, avec 1 FBA)

- NORD (avec 2 FBA),

- NORMANDIE (utilisé par Marine Bizerte, avec 1 FBA)

- PAS DE CALAIS (avec 2 FBA)

- RABENFELS (2 Nieuport en 1916 et 5 FBA en 1917)

- ROUEN (doté de 2 FBA)

 

 

Année 1917

 

Les Allemands qui en février 1917 possèdent 111 submersibles, se lancent à corps perdu dans la guerre sous-marine. Tout est bon (paquebots, cargos, bateaux de pêche, transports de troupes…). Nos pertes durant les 4 premiers mois de l’année sont de 2 millions de tonnes. Notre Cuirassé DANTON est torpillé le 19 mars au large de la Sicile, ainsi que le sous-marin ARIANE devant les côtes tunisiennes en juin.

Une direction de la guerre sous-marine (DGSM) est créée en juin 1917, afin de coordonner tous les moyens navals et aériens afin de lutter contre ce fléau. Organisée en 6 sections, l’une d’elle est la section aéronautique de l’Etat major général. Un programme de protection divisé en secteurs est alors défini en juin. Dans chacun d’eux opèreront 13 patrouilleurs, 4 chasseurs, 4 torpilleurs et un certain nombre d’hydravions et de ballons dirigeables ou captifs.

Pour l’aviation maritime, ces secteurs nommés « patrouilles aériennes » se répartissent ainsi en Métropole :

- Normandie, zone des armées du Nord, Baie de Seine, Bretagne, Loire, Gascogne et Provence.

Des échelons de circonstance sont également crées :

- Golfe du Lion (de décembre 1917 à novembre 1918)

- Corse (de décembre 1917 jusqu’en 1919)

- Corfou (de juin 1917 à novembre 1918)

- Alger (de juin 1917 à mai 1919)

- Oran (de juin 1917 à décembre 1918)

- Bizerte (d’août 1917 à mai 1919)

Devant le nombre des lieux d’implantation, l’Amirauté précise alors les différences :

- Un centre d’aviation (CAM) est doté au minimum de 8 appareils.

- Un poste de combat (PC)  comprend au minimum 6 appareils (dépendants d’un CAM).

- Un poste de relâche, est doté de dépôts de carburant, d’une embarcation, de corps morts pour le mouillage des hydravions et trois à quatre hommes d’équipage constituent son effectif.

 

Les CAM existants en 1917/1918 sont les suivants :

1 - En métropole : Dunkerque - Saint Pol sur mer - Boulogne - Le Havre - Cherbourg - Guernesey - Tréguier - La Penzé - Camaret - Lorient - La Pallice - Bayonne - Canet-Plage - Cette (Sète) - Saint Mandrier - Fréjus - Antibes - Ajaccio - Bastia .

2 - En Tunisie : Sousse et Bizerte.

3 - En Algérie : Bône - Alger - Arzew - Oran - Djidjelli (à partir de 1918)

4 - Au Portugal : Aveiro (en 1918)

5 - Au Maroc : Casablanca

6 - Au Sénégal : Dakar (de 1918 à 1920)

7 - En Italie : Marsala - Brindisi - Venise (1915-1917)

8 - En Grèce : Argostoli (1916-1917) - Corfou (1916-1919) - Salonique (1916-1919) - Milo - Mytika (1917) - Plateli - Navarin (1918)

 

Les postes de combat se répartissent ainsi :

1 - En métropole : Calais - Dieppe - Fécamp - Port en Bessin - L’Ile Tudy - Le Croisic - Hourtin - Cazaux - Socoa - Calvi - Cap Janet (Marseille) - Nice

2 - En Tunisie : Lampedusa – Kélibia

3 - En Algérie : Bougie - Cherchell - Tenes - Mostaganem - Beni-Saf

4 - En Italie : Marsala

5 - En Grèce : Cassandra - Skiatho - Vathi

Sur le plan aérostation, les constructeurs français approvisionnent la Marine en nouveaux dirigeables. Plus de 40 appareils sont livrés entre 1917 et 1918 (17 Astra-Torrès, 6 Chalais-Meudon et une vingtaine de Zodiac).

Les centres d’aérostation se répartissent dorénavant ainsi : Saint-Cyr (région parisienne) - Marquise-Rinxent - Le Havre - Montebourg - Brest Guipavas - Paimboeuf - Rochefort (Soubise) - Aubagne - Mezzana (Corse) - Bizerte Sidi Ahmed - Alger Baraki - Oran La Sénia.

 

Les centres réservés aux ballons sont : Le Havre - Cherbourg - Brest - Ouessant - Lorient - Saint-Nazaire - Ile de Ré - Royan - Cette - Ile du Frioul - Toulon - Les salins d’Hyères - Corfou - Salonique - Patras - Moudros - Milo - Bizerte - Alger - Oran.

 

 

 

La Fayette, nous voici !... Il faut bien reconnaître, que durant les deux premières années de la guerre, les USA (alors neutres) n’étaient pas tout à fait mécontents... La guerre en Europe était pour eux une très juteuse affaire. Sans vouloir négliger les ventes de matériel à notre intention, il faut accepter d’entendre qu’un trafic de marchandises de première nécessité était organisé par 20 millions de citoyens (d’origine germanique). Ce trafic s’opérant avec d’autres pays neutres comme la Norvège, le Danemark ou la Suède, il permettait ensuite à ces dits pays neutres, de livrer la marchandise à l’Allemagne et ses alliés.

Toutefois, les déclarations de l’Allemagne sur les zones maritimes, que ce pays voulait interdire à la navigation (préludes de la guerre sous-marine) commencèrent à irriter les américains.

Le perte de 118 de leurs concitoyens sur le LUSITANIA coulé en mai 1915, ainsi que celles de quelques personnalités sur le SUSSEX en mai 1916, la découverte d’un accord secret Germano-mexicain (en vue de l’attaque des USA), concoururent à faire voter par le congrès américain, l’entrée en guerre à nos côtés le 6 avril 1917. C’est ainsi qu’au point de vue Marine, les USA envoyèrent des bâtiments légers au fur et à mesure de leur armement, pour compter en Europe une centaine de leurs unités en fin d’année 1917. Ces unités participèrent alors au blocus. Des hydravions américains furent également convoyés en France. Ces derniers armeront alors divers centres sur la côte Atlantique.

 

Sur le théâtre d’opérations extérieur, il faut aussi signaler le cas de la Grèce. La constitution en septembre 1916 à Thessalonique d’un gouvernement républicain amena le roi Constantin à envisager une alliance avec les Empires centraux. Cette politique, entraîna notre Général SARRAIL, à débarquer au Pirée des hommes de l’Armée de terre ainsi que des compagnies de débarquement de différents bâtiments de la Marine. Ces derniers furent victimes d’un guet-apens à Athènes le 1er décembre 1916, au cours duquel le Capitaine de Vaisseau commandant le groupe fut tué. Une occupation de la Thessalie fut alors décidée en mai 1917. Une fois celle-ci réalisée, SARRAIL exigea l’abdication du roi Constantin. La couronne revint à son fils Alexandre et dès le 26 juin, la Grèce déclara la guerre aux Empires centraux, apportant aux alliés 10 divisions terrestres …..

C’est à compter de cette époque, que notre aviation maritime, put s’installer dans différents points de la Grèce (Patras - Milo - Mytika - Navarin - Platéali - Vathi ).

 

Dans le Pas de Calais, jusqu’au mois de juillet 1917, la suprématie aérienne revient sans conteste aux appareils armés par les Allemands. Chez eux, la chasse de nuit a succédé à celle de jour. Depuis le début de l’année, leurs escadrilles sont dotées de nouveaux chasseurs pouvant tirer au travers du cercle de l’hélice et vont jusqu’à effectuer un carnage dans les rangs de nos « petits hydravions ».

C’est ainsi que le 26 mai, l’Enseigne de Vaisseau TESTE (observateur) à la tête d’une section de 4 FBA de l’escadrille de patrouille du CAM de Dunkerque, est aux prises avec 7 hydravions Brandebourg armés chacun de 2 mitrailleuses arrières orientables. Les 4 FBA sont abattus ou contraints d’amerrir (appareils détruits ou capturés). TESTE, dont nous parlerons dans un prochain chapitre, est alors fait prisonnier.

La Marine suspend alors les vols des FBA, jugés comme proies trop faciles, en attendant la livraison d’appareils plus modernes. Ces derniers ne vont pas tarder à faire leur apparition :

- En juillet une commande de 65 appareils de reconnaissance rapide, motorisés à 200 chevaux, est passée à la firme Donnet-Denhaut. Une fois livrés, ces derniers vont être répartis à raison de 2 ou 3 dans certains postes de combat ou CAM jugés prioritaires, tant en France, en Italie ou en Grèce.

- En août commencent à être perçus, une autre version de la marque. Il s’agit cette fois d’appareils de bombardement en bi ou en triplaces. Près de 400 de ces appareils vont alors être distribués dans la majeure partie des CAM, et même dans ceux de l’U.S NAVY.

L’armement de ces appareils comporte alors :

- En version biplace (bombardement) : 2 bombes de 52 kg et 1 mitrailleuse

- En version triplace (bombardement ou escorte) : 2 bombes de 52 kg et 2 tourelles doubles de mitrailleuses.

Un autre type d’appareil, va également être mis en service. Il s’agit d’un hydravion monomoteur de 200 chevaux mis au point par Alphonse TELLIER. Cet appareil sur lequel une mitrailleuse pouvait être installée à l’avant de la coque et qui transportait 2 bombes de 52 kg, a été livré à 170 exemplaires environ.

La lutte dans la zone des armées du Nord, va également être renforcée à Dunkerque, par l’entrée en service dans l’escadrille de chasse sur hydravions, des Hanriot HD2 à flotteurs. Destiné à la chasse côtière, ce monoplan propulsé par un moteur de 130 chevaux, est armé de 2 mitrailleuses.

 

 

Les hydravions français en Manche et Mer du Nord, deviennent tellement gênants pour les Allemands, que ces derniers effectuent un bombardement le 20 septembre sur les installations à Dunkerque. L’escadrille de bombardement terrestre, est alors complètement anéantie.

Néanmoins, les temps ont changés. Grâce aux nouveaux appareils entrés en service dans les nombreux centres et postes de combat répartis le long des côtes, les sous-marins allemands sont repoussés dans leurs zones d’intervention à plus de 50 milles au large, réduisant à plus de la moitié le nombre de torpillages et d’attaques de navires.

 

En marge du conflit mondial, il est à signaler que c’est au cours de l’année 1917, que vont apparaître, peints sur le fuselage des appareils, les tous premiers insignes d’escadrille. A l’instar des formations de l’Aéronautique militaire, nos marins instituent eux aussi, ce besoin de différencier les aéronefs.

Parallèlement aux insignes peints, c’est durant le cours de cette année que sont crées les brevets métalliques de poitrine. Jusqu’à cette année là, seul était porté en haut de la manche gauche de l’uniforme, l’insigne commun avec l’Aéronautique militaire, représentant une hélice en surimpression sur 2 ailes. Ces broches de poitrine sanctionnent dorénavant l’obtention des :

- Brevets de pilotes d’aéronefs et de dirigeables.

- Brevets d’observateurs sur aéronefs.

- Certificats de pilotes de direction – mécaniciens – radio – mitrailleurs canonniers sur dirigeables – Observateur sur ballons captifs

 

 

Année 1918

 

En mars de cette année, l’Armée américaine en France, s’élève à 300 000 hommes. Avant que cette dernière n’atteigne un chiffre plus important, l’armée allemande renforcée des 700 000 hommes qui ne combattent plus contre la Russie, pousse un coup de boutoir afin de bousculer les Armées alliées.

Foch, qui est nommé commandant en chef à la tête de ces armées, réussit à contenir cette poussée (les renforts allemands ont été compensés par près d’un million d’Américains en juillet), et sa stratégie domine celle de LUDENDORF. L’armée allemande est rejetée sur ses frontières.

Le blocus instauré à l’encontre de l’Allemagne, porte ses fruits. Commençant à manquer des denrées les plus essentielles, la population souffre énormément. De graves mutineries ont lieu à Kiel et à Whilhemshapen, au sein des équipages de sous-marins. Le 5 novembre, le soulèvement de la Marine impériale, amène le haut commandement à la capitulation et à la signature de l’armistice du 11 novembre.

En Adriatique, la victoire italienne de Vittorio Veneto, le 24 octobre, contraint l’Autriche à signer l’armistice de Padoue le 3 novembre.

En Macédoine, Franchet D’Esperey déclenche le 15 septembre, une attaque générale visant à la rupture du front bulgare. La bataille du Dobro Polje, contraint la Bulgarie à déposer les armes le 29 du même mois.  Franchet D’Esperey franchit alors le Danube, libère la Serbie et la Roumanie et menace alors l’Autriche et l’Allemagne.

En Turquie, le 30 octobre, le pays prêt à être envahi par l’avance alliée sur Constantinople, signe l’armistice de Moudros.

 

            

 

 

En guise de conclusion

 

Le conflit achevé, il n’est pas une famille française qui n’ait un ou plusieurs de ses membres, tombés sur le front terrestre. De plus les « médias » de l’époque, tresseront des couronnes de lauriers (mérités) aux « poilus » de FOCH, JOFFRE ou de PETAIN, ainsi qu’aux « as » de l’Aéronautique militaire (NUNGESSER, FONCK, GUYNEMER, etc…) mais méconnaîtront totalement les sacrifices endurés par la Marine.

Il faut quand même parler ici, du dur et fastidieux métier de marin-aviateur, dans des missions de surveillance, effectuées loin de tout regard et dont personne ne parlera après guerre.

Lorsqu’un appareil de l’Aviation maritime est forcé d’amerrir pour cause de panne, son sectionnaire vient alors se poser (quand il le peut) à ses côtés, afin de lui porter aide. Si aucun secours ne peut être donné, l’hydravion posé sur l’eau, dérive alors avec ses occupants, au gré des vents et des courants. Pour exemple, on peut citer les deux cas suivants :

    - En janvier 1918, un hydravion en patrouille dans le Nord-Finistère, est contraint d’amerrir sous la tempête et est perdu de vue par ses sectionnaires. Durant 2 jours, le CAM de Camaret auquel cet appareil appartient,  reste sans nouvelle. En fait, l’hydravion sous un fort vent de sud a dérivé au travers de la Manche et les deux membres d’équipage sont recueillis par un cargo en mer d’Irlande, après avoir dérivé sur plus de 150 milles…..

    - En juillet 1918, l’EV1 LANGLET, forcé d’amerrir au large de Marseille, dérive durant plusieurs jours avec le SM mécanicien DIEN. Grâce à l’ingénieuse transformation du tube anémométrique de l’appareil en alambic de fortune, ils arrivent à surmonter leur soif, et sont recueillis au bout de 11 jours à Piana en Corse...

     D’autres accidents se terminent plus tragiquement, exemple celui du LV PRIEUR (Observateur) et de son pilote (Mtre JULIEN). Le 11 avril 1917, à bord d’un FBA,  ils sont en reconnaissance au large de Fréjus. A la suite d’une panne, le FBA est contraint d’amerrir. Le sectionnaire retourne à Fréjus afin de demander des secours. Mais on ne retrouve pas les 2 aviateurs. Les recherches aériennes et navales vont se poursuivre vainement durant 2 jours. Ce ne sera que le 24 mai (soit près de 40 jours plus tard) que la carcasse du FBA sera retrouvée disloquée dans des rochers de la côte espagnole, sans aucune trace des 2 hommes (certainement morts de soif).

Témoignage de Mr Edmond BENOIT, Capitaine de Frégate honoraire (Revue « Icare ») :

« Entré à l’école navale en 1912, à la déclaration de guerre, j’étais aspirant. Après diverses affectations sur croiseurs en Adriatique, Mer Rouge, Océan Indien et Sud du Maroc, j’entrai dans l’aéronautique navale en 1917. Quelles ont été mes motivations ? L’attrait de la nouveauté surtout. Il faut dire qu’au début de la guerre, lorsque j’étais sur le D’ENTRECASTEAUX en mer Rouge, j’ai eu l’occasion d’entrer en contact avec les équipages de l’escadrille Nieuport qui avait été envoyée à Port-Saïd pour aider les Anglais aux prises avec les Turcs. J’ai été séduit par l’aviation et j’ai fait aussitôt une première demande. Mais il a fallu que j’attende 1917 pour que mes candidatures renouvelées soient prises en compte. Je suis allé passer mon brevet de pilote terrestre à l’école d’Ambérieu. Il y avait beaucoup d’élèves, peu d’instructeurs, peu d’avions, de sorte que je suis resté deux mois et demi. Ensuite je me suis rendu à Hourtin (Gironde) pour obtenir mon brevet de pilote d’hydravion. Là, les choses ont été plus simples et plus rapides. Un instructeur et un hydravion furent mis à mon entière disposition, ce qui me permit de m’exercer sur les 17 km de longueur que fait le plan d’eau d’Hourtin, à amerrir et décoller sans arrêt. Au bout de 48 heures, je fus jugé digne d’obtenir ma qualification ! Je suis allé ensuite à l’école de Saint Raphaël pour me perfectionner en bombardement et en  tir aérien.

Après quoi, au bout d’une quinzaine de jours, j’ai été dirigé sur Bizerte où je suis devenu chef d’escadrille. Notre rôle consistait essentiellement à escorter des convois. Nous avions des pannes fréquentes qui nous obligeaient à nous poser en mer. En mai 1918, j’ai été envoyé à Dunkerque dont l’importance, en tant que base, était grande du fait de la proximité de l’ennemi. Il s’y trouvait des escadrilles terrestres de chasse (Hanriot HD1) et des hydravions. Personnellement, j’ai surtout volé sur Donnet Denhaut. Nos missions étaient variées. La plus importante était la lutte contre les sous-marins. Les Allemands avaient une base à Zeebrugge sur la côte belge. Nous essayions de les repérer. A l’époque, un sous-marin naviguait à faible profondeur. Aussi était-il facilement détecté par les hydravions, même dans une mer agitée et brumeuse comme la mer du Nord. Lorsqu’un sous-marin était repéré, nous l’attaquions à la bombe. Il est très difficile de dire quels étaient les résultats. Personnellement, je ne crois pas avoir coulé un sous-marin. L’Aéronavale, au total, en a coulé une douzaine avec certitude. Ce qui comptait surtout, c’était notre pouvoir de dissuasion, plus que les résultats pratiques. Les sous-marins de Zeebrugge étaient obligés de faire surface pour entrer ou sortir de leur base car il y avait peu de fond. Ils étaient donc facilement repérables à ce moment là. Nos missions consistaient aussi à aller bombarder Zeebrugge et Ostende. Nous avons été souvent aux prises avec la chasse allemande. Pour partie, j’ai parlé de l’amerrissage ? C’est ce qu’il y a de plus difficile. En temps normal il faut cabrer au maximum l’appareil de manière à aborder l’eau à vitesse très réduite. Lorsqu’il y a de la brume (cas fréquent en mer du Nord) ou que l’eau est très calme, la difficulté est que l’on ne voit pas la mer et que l’on apprécie très mal l’altitude.

Parmi mes autres missions, j’ai fait de la recherche de mines sous-marines, surtout à la fin de la guerre, lorsque les Allemands évacuaient la côte belge.

Si j’essaie maintenant de porter quelques appréciations sur la croissance et l’évolution de l’aéronavale durant cette période, je dois dire que pour un marin, entrer dans l’aviation, c’était, dans une certaine mesure, déchoir. A l’Ecole navale, nous étions une promotion de canonniers fanatiques. Il est vrai qu’à cette époque, l’arme du marin c’était le canon. Le développement de l’Aéronavale, nécessité par l’impérieux besoin de protéger le trafic maritime, a eu un caractère improvisé. La question la plus épineuse a été celle des moteurs. L’Aviation terrestre les accaparait tous. Mais la Marine découvrit les moteurs Hispano-Suiza 150 puis 200 CV, qui équipèrent la plupart des hydravions et ont été presque immédiatement, vu leurs qualités, adoptés également par l’Aviation terrestre.

Quant à moi, je n’ai jamais été abattu. J’ai eu simplement un jour un accident, en rentrant à marée basse, à la base de Dunkerque. Je me suis mis en pylône et j’ai été blessé au genou. La peur ? Bien sûr, j’ai eu des moments où je me demandais comment les choses allaient tourner, mais ma formation de marin m’a aidé à la surmonter car, dès mon entrée à l’Ecole navale, je savais que j’avais choisi un métier qui comportait de nombreux risques et pouvait m’amener un jour à faire un « trou dans l’eau »….. »

 

L’armistice signé, l’Aviation maritime, tout comme les autres composantes des Armées, voit son budget se réduire. Les hommes sont démobilisés et le personnel est ramené à 1250 (L’effectif étant d’environ 11 000 début 1918). Les CAM vont fermer les uns après les autres. Ne subsisteront avec une activité réduite, que ceux de Fréjus, de Cherbourg-Chantereyne, de Brest-Laninon, de Rochefort, d’Hourtin et de Bizerte.

Les aéronefs ont été pour une grande partie d’entre eux, ferraillés ou revendus à des compagnies privées.

   

L’escadrille d’hydravions de Dunkerque, dissoute au lendemain de la guerre, a hérité de 2 citations :

- Journal officiel du 30-5-1917 : Citation à l’ordre de l’Armée. « Par leur esprit d’entreprise, par leur succès, par leur inébranlable résolution face au danger, sous le commandement de leurs chefs successifs (le CF de LABORDE et le LV LORFEVRE), ont donné un superbe exemple à leurs camarades de l’Aviation maritime ». Cette citation comporte l’attribution de la croix de guerre avec palme.

- Citation à l’ordre de l’Armée du 20 décembre 1918 : « Opérant à proximité des bases ennemies, ont toujours montré et particulièrement du 1er avril au 1er novembre 1918, sous la direction de l’EV Jacques LE MERDY, une volonté tenace dans la recherche et l’attaque des sous-marins ennemis ». Cette citation comporte l’attribution de la croix de guerre 1914-1918, avec palme.

 

 

 

Du personnel en provenance de Dunkerque, va former au lendemain de la guerre, le noyau initial de l’Aviation d’escadre, sur le terrain de Fréjus Saint-Raphaël. 

 

C’est ce que nous découvrirons dans le prochain chapitre...