Le maintien de l’ordre en Algérie

La guerre sans nom

 

 

Un peu d’histoire

 

De 1830 à 1954

Suite à la demande de remboursement d’une créance, présentée à la France par le Dey d'Alger HUSSEIN et aussi par souci de mettre fin à la piraterie barbaresque en Méditerranée, le roi Charles X décide en 1830 de lancer la France dans la conquête de l’Algérie. A cet effet, un corps expéditionnaire de près de 38 000 hommes est constitué et placé sous les ordres du Général de BOURMONT. Transporté par navires marchands sous escorte d’une centaine de bâtiments de guerre, ce corps expéditionnaire débarque à Sidi Ferruch, le 14 juin 1830. Le 5 juillet en entrant à Alger, sous la protection de l’escadre de l’Amiral DUPERRÉ, les Français chassent le dey et la conquête de l’Algérie commence. Entre 1832 et 1837 s'opère une politique d’occupation restreinte et côtière (Alger, Bône, Bougie, Médéa, Blida et Oran) en laissant toutefois à l’émir ABD EL-KADER le pouvoir dans l’intérieur. Le général BUGEAUD nommé en 1840 gouverneur de l’Algérie, entreprend ensuite la conquête et la colonisation du restant du territoire. ABD EL-KADER reprend les armes et ne fera sa soumission au Général LAMORICIÈRE que le 23 décembre 1847. La pacification de la Kabylie et l’occupation du sud algérien s’opèrent ensuite progressivement de 1852 à 1870, jalonnées de nombreux incidents.

A l’issue de la guerre de 1870, qui voit l’annexion par la Prusse de deux de nos provinces, une arrivée massive d’Alsaciens et de Lorrains s’effectue en Algérie et le gouvernement attribue à ces derniers un grand nombre de propriétés et de terres. Une deuxième vague de colons, cette fois-ci d’origine espagnole ou italienne, afflue entre 1919 et 1939.

Des mouvements nationalistes algériens vont apparaître dès 1930 (dans la mouvance de Ferhat ABBAS ou de Messali HADJ), mais sont rapidement interdits.

Après le débarquement allié en Afrique du nord en novembre 1942, les musulmans sont sollicités afin de soutenir l’effort militaire. C’est ainsi que 50 000 d’entre eux s’engagent aux côtés des 160 000 Européens d’Afrique du nord, au sein de l’Armée d’Afrique, avec la promesse de réformes politiques dès la fin de la guerre. Ces réformes annoncées par le Général de GAULLE le 12 décembre 1943, ne seront jamais suivies d’effets, et les divers mouvements nationalistes dissous par les autorités françaises avant la seconde guerre mondiale, réapparaissent sous d’autres formes dès la fin de celle ci.

C’est ainsi que le 8 mai 1945, jour de la capitulation allemande, des émeutiers dirigés en sous-main par Messali HADJ, massacrent une centaine d’Européens. La répression est alors sévère : plusieurs villages en rébellion sont détruits sous le feu de nos bâtiments de guerre (DUGUAY-TROUIN, TIGRE et VIGILANT). Des opérations sont également menées par l’Armée de l’Air ainsi que par des troupes de la Légion étrangère. Ces émeutes, suivie par cette répression au cours de laquelle le nombre des victimes de confession musulmane est évalué selon les sources entre 8 000 et 45 000, sont les prémices du conflit qui va se déclencher en 1954.

Divers évènements sont également favorables à la rébellion en Algérie :

- Tout d’abord il est bon de rappeler qu’à cette époque la "guerre froide" qui oppose l’Union Soviétique aux Alliés, voit l’URSS soutenir les régimes socialistes ainsi que les mouvements de libération en Afrique. En Egypte, le roi FAROUK est destitué  en juin 1953 et ce dernier est remplacé par NEGUIB, lui-même rapidement éliminé en 1954 par le colonel NASSER qui va s’imposer comme leader du monde arabe. Dès le 8 mai 1954 après notre défaite  à Dien Bien Phû en Indochine, la radio du Caire appelle à l’insurrection dans le Maghreb.  Quand les manifestations armées éclatent en 1954 dans les Aurès, le FLN est proclamé dans la capitale égyptienne. Toujours au Caire, et en 1958, le FLN créé un gouvernement provisoire de la République algérienne présidé par Ferhat ABBAS.

- En Tunisie dès 1952, de nombreux attentats voient le jour en vue d’obtenir l’abolition du protectorat exercé sur ce pays par la France. Après de nombreuses opérations de maintien de l’ordre qui se déroulent jusqu’en 1957, l’indépendance est accordée à la Tunisie et à partir de ce moment là, cette nouvelle république va apporter un soutien important à l’Armée de libération nationale Algérienne (ALN), en accordant l’installation et l’entraînement aux rebelles algériens, sur son sol.

Au Maroc, le protectorat est lui aussi très mal supporté et des attentats ainsi que des émeutes se déroulent entre 1954 et 1956 et pour les réprimer plus de 100 000 militaires français sont engagés dans les opérations de maintien de l’ordre. Face aux évènements, l’indépendance de ce pays est proclamée en mars 1956, MOHAMED V devient  roi du Maroc et tout comme la Tunisie, ce pays va alors apporter son soutien à l’Armée de Libération Nationale Algérienne.

- La fin de la guerre d’Indochine en 1954, voit le rapatriement en AFN des militaires musulmans ayant combattu à nos cotés lors de ce conflit. Un certain nombre d’entre eux, déçus ou ayant été endoctrinés par le Vietminh au cours de leur emprisonnement, vont alors changer de camp et devenir le bras exécutif militaire du FLN. A partir de 1955, l’armée française va se trouver confrontée à ces hommes aguerris.

 

De 1954 à 1962

Le 1er novembre 1954, de nombreux attentats dirigés à l’encontre des Français d’origine métropolitaine, ainsi que des sabotages  et attaques de bâtiments publics sont commis  par des groupes extrémistes du FLN. Ces exactions, qui portent la dénomination de "Toussaint rouge"  marquent le début de ce que les divers gouvernements français de l’époque nommeront pudiquement "les opérations de maintien de l’ordre en Algérie"*

*Le 18 octobre 1999, une loi reconnaîtra l’état de guerre en Afrique du Nord (du 1er janvier 1952 au 2 juillet 1962) concernant les opérations militaires effectuées au Maroc, en Tunisie et en Algérie.

 

Si en fin d’année, l’ordre est plus ou moins rétabli, l’insurrection qui avait débutée dans les environs de Constantine, s’étend en 1955 dans la région d’Alger puis vers Oran. Dans le Constantinois et le 21 août, une attaque suicide du FLN (170 morts) assimile tous les musulmans comme rebelles, aux yeux des Européens. Plus de 1200 victimes musulmanes feront les frais de cette attaque les jours suivants.

 

 

A la suite de ces évènements, l’état d’urgence est proclamé le 30 août, les opérations de pacification débutent et près de 60 000 réservistes du contingent sont rappelés à partir de septembre 1955. Le territoire de l’Algérie est alors quadrillé, et dans de multiples borjs créés à cet effet, des groupes ruraux ainsi que des harkis (supplétifs algériens) assurent la garde et la défense. Sur le terrain, des régiments de parachutistes opèrent sous les ordres du lieutenant colonel Bigeard ou du Colonel DUCOURNEAU. De son côté, le FLN, renforcé par les nombreuses désertions au sein des régiments de tirailleurs algériens rapatriés d’Indochine, se durcit et continue ses opérations de frappe, notamment à l’encontre des Musulmans restés fidèles à la France.

En 1956, la durée du service national est portée à 2 ans, tandis que les classes 52 et 53 sont rappelées. On peut résumer l’état d’esprit de ces appelés dans les paroles de la chanson interprétée beaucoup plus tard par Serge LAMA et dont voici un extrait :

 

Dans ce port nous étions des milliers de garçons
Nous n'avions pas le cœur à chanter des chansons
L'aurore était légère, il faisait presque beau
C'était la première fois que je prenais le bateau

L'Algérie
Écrasée par l'azur
C'était une aventure
Dont on ne voulait pas
L'Algérie
Du désert à Blida
C'est là qu'on est parti jouer les p'tits soldats
Aux balcons séchaient draps et serviettes
Comme en Italie
On prenait des vieux trains à banquettes
On était mal assis
L'Algérie
Même avec un fusil
C'était un beau pays
L'Algérie……………

           

Dès le début de cette année, plus de 200 000 militaires servent en Algérie (dont environ 16 000 marins, répartis dans les fusiliers marins, les bâtiments de surface et l’aéronautique navale). En fin d’année, les effectifs toutes armes confondues s’élèvent à environ 500 000 hommes.

Si jusqu’à présent le terrorisme s’est plus ou moins cantonné en zones rurales, à partir du mois d’octobre ce dernier s’installe dans les grandes villes et notamment à Alger. Toutefois le FLN subit deux graves revers les 16 et 22 octobre, avec tout d’abord l’arraisonnement par la Marine nationale du navire Athos II transportant des armes à destination des rebelles et ensuite avec l’interception d’un avion de ligne marocain  transportant les principaux chefs de la rébellion algérienne (BEN BELLA, AÏT AHMED etc..) avion qui est alors détourné vers Alger et où ces dirigeants sont arrêtés.

En 1956 et 1957, afin de lutter contre l’infiltration de rebelles en provenance de Tunisie ou du Maroc, des barrages électrifiés sont installées tout au long des deux frontières (elles sont dénommées "Morice" sur l’Algéro-Tunisienne et  "Pédron" sur l’Algéro-marocaine). Leur étanchéité est assurée grâce à la surveillance aérienne pratiquée par les aéronefs de l’Aéronautique navale, ainsi que par ceux de l’armée de l’air. Se révélant très efficaces, ces lignes  asphyxient les wilayas qui se trouvent alors plus ou moins démunies en armes et en forces vives, la marine nationale surveillant de son côté toute la longueur des côtes algériennes. Toutefois une bataille des frontières aura lieu de janvier à mai 1958 : le FLN tentant de franchir par la force le barrage de Tunisie à partir de Sakhiet Sidi Youssef, nos avions qui interviennent alors, sont pris à partie par la DCA implantée sur le sol tunisien. Une réponse efficace est alors donnée le 8 février 1958 par l’Armée de l’Air et l’Aéronautique navale, réponse qui voit la destruction du camp d’entraînement de Sakhiet Sidi Youssef ainsi que la mort d’un grand nombre de rebelles algériens se trouvant en ce lieu. Suite à cette riposte, le gouvernement Tunisien dépose une plainte à l’ONU et la France se voit plus ou moins élevée au rang d’agresseur…

A compter du 20 janvier 1957 débute la bataille de la Casbah d’Alger. Conduite par le Général MASSU, et menée par 8 000 parachutistes, celle-ci réussit à détruire l’organisation rebelle (Morts de Ben M’HIDI* chef de la wilaya d’Alger et d’Ali- la-pointe* responsable de la guérilla urbaine. Arrestation le 24 septembre de Yacef SAADI par des légionnaires du 1er REP, et qui après des aveux complets permet l’interception de plusieurs membres influents du FLN).

*Larbi Ben M’HIDI haut responsable au sein du FLN fut arrêté dans sa cachette de la rue Claude DEBUSSY. Remis aux mains des services secrets français, il mourut dans sa cellule le 23 février. Ali-La-Pointe quant à lui était caché dans un immeuble au milieu de munitions qui explosèrent lorsque les parachutistes plastiquèrent une cloison pour l’en déloger le 8 octobre.

            Le Général MASSU

 

L’année 1958, voit en avril le service militaire passer de 24 à 27 mois. En France c’est la fin de la IV° république et le 1er juin René COTY désigne le Général de GAULLE comme président du conseil. Suite à un référendum, la constitution de la V° république est approuvée le 28 septembre, promulguée le 4 octobre et le 21 décembre de GAULLE est élu président de la République.

Sur le sol algérien les opérations de maintien de l’ordre continuent, notamment du 29 avril au 1er mai dans la région frontalière de  Souk Arhas, où les forces de la Légion étrangère et des parachutistes coloniaux infligent de très lourdes pertes à l’ALN (près de 4000 tués). Toutefois si cette dernière est privée de ressources à l’intérieur de l’Algérie, du fait du bouclage des frontières, elle se maintient à l’extérieur et la France commence à douter de la réussite de la pacification.

Février 1959, suite au plan CHALLE (Général d’armée aérienne ayant décidé d’anéantir les katibas à l’intérieur du pays), le FLN perd la moitié de ses effectifs en Oranie sous les coups des parachutistes de la 10ème division, de la Légion étrangère et des fusiliers marins, avec l’appui d’un détachement d’intervention d’hélicoptères. Durant le mois d’avril, cette fois ci dans l’Algérois, c’est au tour de la Wilaya 4 à subir l’offensive durant laquelle elle perdra plus de 2 000 hommes. Au cours de l’été, les forces armées françaises opèrent principalement dans le Constantinois et en Petite Kabylie. Suite à toutes ces actions, en fin d’année l’ALN est brisée : 36 000 de ses hommes ont été mis hors de combat (26 000 abattus et 10 000 faits prisonniers).

Malgré la réussite du plan CHALLE, l’avenir de l’Algérie se dirige vers l’indépendance, car l’opinion française Métropolitaine souhaite un cessez le feu et l’ouverture de négociations. Pour avoir soutenu dans un journal la cause de l’Algérie française, le Général MASSU est limogé en janvier 1960, et les Algérois à l’instigation de Pierre LAGAILLARDE élèvent des premières barricades durant la dernière semaine de ce mois.

Des négociations se déroulent à Melun durant le mois juin entre des représentants français et des envoyés du GPRA. Elles se terminent par un échec.

Sur le terrain, le plan CHALLE se poursuit durant cette année 1960. D’importantes opérations sont menées en Kabylie, dans les Aurès, dans l’Ouarsenis et dans la région de Ténès. Ces opérations voient les katibas perdrent plus de la moitié de leurs forces (environ 10 000 morts), le restant étant dispersé en petits groupes, poursuivis par l’armée française.

A la télévision française le 16 novembre, le Général de GAULLE prononce une allocution annonçant l’organisation d’un référendum sur l’autodétermination (Indépendance de l’Algérie). Peu de temps après, de nouvelles émeutes éclatent à Alger lors de la venue de ce dernier en Algérie à la mi décembre.

Le référendum du 8 janvier 1961, voit le "Oui"  l’emporter, voté par une très large majorité de Français. En réaction, une organisation est créée en Espagne par Jacques SUSINI et Pierre LAGAILLARDE, (qui prend le nom d’OAS) afin d’organiser la lutte contre l’idée d’indépendance de l’Algérie désirée par le Général de GAULLE et approuvée par le peuple français lors du référendum. Cette idée d’organiser la lutte se concrétise le 21 avril, par un coup d’État (putsh) fomenté par les généraux Maurice CHALLE, Raoul SALAN, André ZELLER et Edmond JOUHAUD. A cet effet le 1er REP constitué d’un millier d’hommes et sous les ordres du Commandant Hélie DENOIX de SAINT MARC, s’empare de tous les points stratégiques d’Alger ainsi que du siège du gouvernement général de l’Algérie. Dès le lendemain quelques rares autres régiments de l’Armée de Terre se mettent aux ordres des généraux putschistes. De son côté, la Marine reste dans une certaine expectative.

 

    

 

Le 23 juin, le général de GAULLE prononce un discours retransmis à la télévision et à la radio dans lequel il appelle les soldats d’Algérie et tous les Français à s’opposer à ce coup d’Etat : " Au nom de la France, j'ordonne que tous les moyens, je dis tous les moyens, soient employés pour barrer partout la route à ces hommes-là, en attendant de les réduire. J'interdis à tout Français et, d'abord à tout soldat, de n’exécuter aucun de leurs ordres."

Cet appel sera largement entendu par les appelés du contingent présents en Algérie. Ces derniers vont alors refuser d’obéir aux généraux d’Alger. Devant la tournure des évènements, le coup d’État très mal préparé prend fin : CHALLE et ZELLER se constituent prisonniers (Condamnés à 15 ans de réclusion, ils seront amnistiés 5 ans plus tard), SALAN et JOUHAUD s’enfuient et entrent dans la clandestinité et deviennent chefs de l’OAS. JOUHAUD sera arrêté à Oran le 25 mars 1962 et SALAN à Alger le 20 avril (condamnés, ils seront amnistiés en 1968).

Les premiers entretiens avec le FLN se tiennent à Evian en mai et juin 1961 mais échouent, la France ne voulant pas inclure le Sahara dans les négociations d’indépendance de l’Algérie (pétrole d’Hassi Messaoud et essais nucléaires en cours). Néanmoins De GAULLE cèdera sur cette question le 5 septembre….

Si l’activité militaire suit son cours, celle-ci est toutefois en nette régression et le 12 juillet, le gouvernement ordonne le rapatriement des grandes unités. C’est durant ce mois de juillet que la Tunisie se permet d’attaquer nos forces stationnées à Bizerte afin de hâter leur départ. Une riposte foudroyante est alors menée (Corsair des flottilles 12F et 17F, Aquilon de la 11F, TBM de l’escadrille 5S, largage  de parachutistes des 2° et 3° RPIMA et intervention des légionnaires du 3° REI). Le 23 juillet les assaillants tunisiens sont définitivement repoussés, laissant sur le terrain plus de 700 hommes.

Les accords sont signés entre la France et le FLN le 18 mars 1962 à Evian. Ces derniers reconnaissent l’indépendance de l’Algérie. Si la France a remporté militairement la victoire sur le terrain, la partie est perdue au point de vue politique…

Le lendemain le cessez le feu est proclamé, mais le 23 mars le quartier populaire européen d’Alger s’embrase et provoque la mort d’une soixantaine de personnes dans la rue d’Isly.

A partir du mois de mai, les musulmans mènent une campagne de massacre systématique à l’encontre des Français et des anciens harkis (Près de 60 000 de ces supplétifs abandonnés par la France, vont ainsi succomber). Ces tueries provoquent le départ massif vers la Métropole d'un million de Français, tandis que l’indépendance de l’Algérie est proclamée le 3 juillet.

C’est dans ce contexte tragique que s’achèvent les 132 années d’implantation française en ce pays.

 

De 1962 à 1968

Le rapatriement des troupes françaises se déroule progressivement entre 1962 et 1964.

La base stratégique de Mers El Kébir qui d’après les accords d’Evian devait être restituée en 1977, est abandonnée le 1er février 1968, sans attendre la fin du mandat.

Les expérimentations nucléaires qui avaient débuté au Sahara le 13 février 1960 à Reggane, se poursuivent jusqu’en février 1966. Les sites intéressants ces expérimentations (Hammaguir, Colomb Béchar, In Ekker etc..) sont abandonnés également en février 1968, le centre d’expérimentations du Pacifique ayant déjà pris la relève à cette époque.

 

Lexique

- ALN : Armée de libération nationale (combattants du FLN).

- Borj : Poste ou fortin.

- DIH : Détachement d’intervention d’hélicoptères.

- Djebel : Montagne.

- EVASAN : Evacuation sanitaire.

- Fellagha : Terme utilisé par les Français, pour désigner l’adversaire algérien et qui se traduit par bandit.

- FLN : Front de libération nationale.

- GATAC : Groupe aérien tactique, géré par l’Armée de l’Air. (GATAC.1 pour le Constantinois, GATAC.2  pour l’Oranais et GATAC.3 pour la région d’Alger).

- GPRA : Gouvernement provisoire de la République Algérienne.

- Harka : groupe de supplétifs algériens (harkis), rétribués par la France.

- Katibas : Compagnies de rebelles algériens.

- Mechta : Hameau indigène, constitué de quelques gourbis (habitations).

- OAS : Organisation de l’Armée secrète.

- Wilayas : Ces territoires définis par le FLN en 1956, sont numérotés de 1 à 6 et dans l’ordre numérique croissant correspondent pour le 1er aux Aurès, au sud Constantinois et aux Némentcha. Le 2ème est réservé au nord Constantinois, le 3ème à la Kabylie, le 4ème à l’Algérois, le 5ème à l’Oranie et enfin le 6ème aux territoires du sud.

 

Noms de quelques villes jusqu’en 1962

Nouveaux noms après l’indépendance

Bône

Annaba

Bougie

Bejaia

Djidjelli

Jijel

Geryville

El Bayadh

Maison blanche

Dar el beida

Nemours

Ghazaouet

Oran

Ouahran

Orléansville

El Asnam

Philippeville

Skikda

Port Say

Marsa ben M’hidi

Thiersville

Ghriss

Tiaret

Tagdempt

 

Le commandement en Algérie de 1954 à 1962

 

Commandants supérieurs interarmées

- Général  de corps d’armée CHERRIERE (d’octobre 1954 à juin 1955).

- Général de division LORILLOT (de juillet 1955 à novembre 1956).

- Général d’armée SALAN (de novembre 1956 à novembre 1958).

- Général d’armée aérienne CHALLE (de novembre 1958 à avril 1960).

- Général de corps d’armée CREPIN (d’avril 1960 à février 1961).

- Général de corps d’armée GAMBIEZ (de février à juin 1961).

- Général de corps d’armée AILLERET (de juin 1961 à avril 1962).

- Général de corps d’armée FOURQUET (d’avril à juillet 1962).

 

Préfets maritimes (Préfecture maritime créée en juillet 1955)

- Vice amiral GELI (de juillet 1955 à août 1959).

- Vice amiral d’escadre QUERVILLE (d’août 1959 à novembre 1961).

- Vice amiral d’escadre BARTHELEMY (de novembre 1961 à juillet 1962).

 

Commandants de l’Aéronautique navale en Algérie

- CF de BROSSARD (de septembre 1953 à octobre 1955).

- CF CLAVEL (d’octobre 1955 à août 1956).

- CV PLOIX (d’août 1956 à août 1958).

- CV ORTOLAN (d’août 1958 à novembre 1959).

- CF GUIADER (de novembre 1959 à juin 1962).

 

La participation de l’Aéronautique navale

 

Introduction

Déjà présente sur le sol algérien et implantée sur la base de Lartigue à une trentaine de kilomètres de la ville d’Oran, mais installée également à Karouba en Tunisie ainsi qu’à Port-Lyautey au Maroc, l’Aéronautique navale va être sollicitée et monter au créneau avec ses aéronefs et ses hélicoptères.

Durant ces 8 années de guerre, ses avions (Privateer, Neptune, Lancaster ou Catalina, pour ne citer que les principaux d’entre eux) seront impliqués dans les opérations de  surveillance maritime tout au long des côtes ou en haute mer, afin de prévenir toute  contrebande d’armes. Chaque jour, les avions mis à contribution contrôleront le trafic côtier et hauturier, tout renseignement sur un mouvement suspect étant communiqué à la préfecture maritime qui prenant aussitôt le relais, dépêchera sur place un bâtiment pour inspection et éventuel déroutement du navire douteux.

Les mêmes Privateer, Lancaster ou Neptune, seront également chargés de surveiller de jour et de nuit l’étanchéité des barrages électrifiés installés non loin des frontières terrestres avec le Maroc et la Tunisie, afin d’empêcher l’infiltration de rebelles en provenance de ces pays.

Les flottilles de Corsair  de leur côté et sous commandement opérationnel de l’Armée de l’Air, assureront l’appui direct ou la protection des troupes au sol. C’est dans ce contexte que se succèderont dans le Constantinois sur la base aérienne de Telergma et à partir de 1956, les flottilles 12F, 14F, 15F et 17F.

Nouveaux venus dans cette panoplie, les hélicoptères de combat vont à leur tour entrer dans la danse. Dès 1955, deux S.55 (ou H.19) de l’escadrille 10S de Saint Raphaël sont en place à Sétif dans un groupement interarmées. L’année suivante, la 31F -  première flottille d’hélicoptère créée dans l’Aéronautique navale - armée en Sikorsky H.21C, se voit confier la tâche d’assurer le transport d’assaut des troupes de l’Armée de Terre depuis Sétif ou Sidi Bel-Abbès. Elle rejoint en 1960, la BAN de Lartigue et se trouve rééquipée en Sikorsky HHS.1. En compagnie des 2 autres flottilles 32F et 33F elles aussi dotées de ce type d’hélicoptères, elle va s’intégrer dans le GHAN-1, groupe d’hélicoptères de l’Aéronautique navale,  qui après avoir œuvré en compagnie de l’Armée de terre, va former un binôme en association avec les commandos Marine.

N’oublions pas de signaler qu’une section constituée de 5 Morane Saulnier 500 est créée en 1958 au sein de l’escadrille 4S de Lartigue. Détachés pour emploi à la DBFM, ces avions légers d’observation cessent leur activité en février 1959. Après le retrait de ces derniers, une section composée de 3 hélicoptères Alouette II est créée à Nemours, afin de reprendre les missions d’éclairage, d’ EVASAN et de liaisons.

Les opérations effectuées par l’Aéronautique navale et dont nous allons parler ci-dessous, seront décrites d’une façon assez succincte. Nous espérons néanmoins que la dite présentation, éclairera suffisamment nos lecteurs.

La surveillance maritime

Assurée par les bâtiments de surface et les aéronefs de la Marine nationale, cette surveillance s’exerce à l’encontre des navires contrebandiers pratiquant le trafic d’armes au bénéfice du FLN. La zone couverte pour la Méditerranée qui été élargie durant cette période à 50 milles au-delà des eaux territoriales de France et d’Algérie, s’étend de Bizerte à Gibraltar tout au long des côtes tunisiennes, algériennes et marocaines. Une surveillance similaire est effectuée également de Gibraltar à Dunkerque le long de la façade Atlantique et de la Manche, par les flottilles de la base de Lann Bihoué afin de pister également tous navires contrebandiers en provenance de la Baltique.

Durant la période considérée, cette traque opérée par la Marine à l’encontre d’une bonne centaine de bateaux va permettre d’intercepter  près de 1400 tonnes d’armement (mortiers, mitrailleuses, F.M, P.M, bazookas, roquettes, dynamite, etc…). Parmi les nombreuses prises, citons les plus importants : celles de l’Athos II en octobre 1956, du Slovenija en janvier 1958 et du Lidice en avril 1959 qui se montent à elles trois,  à plus de 900 tonnes d’armement saisi.

La première unité de l’Aéronautique navale qui va participer à cette surveillance, est l’escadrille 4S de Lartigue. Elle opère tout d’abord avec ses hydravions Catalina et ses JU.52, puis par la suite avec ses Lancaster.

A partir de 1955, d’autres formations s’y rajoutent :

- L’escadrille 15S basée à Alger-Maison-Blanche avec un détachement à Bône (armée en TBM Avenger, elle n’existe que de juin 1955 à juillet 1956).

- L’escadrille 8S, rapatriée d’Indochine en juin 1956, participe également depuis Alger à cette surveillance avec ses Grumann Goose JRF-5 et ce, jusqu’en septembre 1959. Mais étant dépourvus de radar, le rendement de ces appareils n’est pas des plus performant dans ce type d’opération.

- Les flottilles 21F et 22F de Lartigue, armées en P2V6 Neptune, n’accèdent officiellement à cette mission qu’à compter de 1958, car toutes deux sont intégrées  dans l’OTAN. Néanmoins, elles coopèrent discrètement avant cette date à la SURMAR en Méditerranée.

- La flottille 23F basée à Port Lyautey au Maroc, armée également en Neptune, exerce sa traque le long de la côte marocaine de Gibraltar à la Mauritanie, bouclant ainsi celle effectuée par les Sunderland de la 27F entre Dakar et Port-Etienne (Nouakchott) et celle de la côte atlantique française, par les Neptune des 24F et 25F basées à Lann Bihoué.

- La flottille 28F rapatriée d’Indochine en 1956 et stationnée à Karouba en Tunisie, se voit sollicitée à son tour avec ses avions Privateer. Elle effectue cette  mission de 1957 et 1960 entre Karouba et Lartigue, tout en participant également par détachement de deux de ses appareils, à la surveillance  des barrages électrifiés.

- Citons également les flottilles 4F, 6F et 9F armées toutes trois en TBM Avenger, qui à diverses époques sont intégrées à cette mission.

 

                 

 

 

L’assaut et le bombardement

Les flottilles 12F, 14F, 15F et 17F en provenance soit de Karouba ou d’Hyères et armées de F4U7 Corsair,  sont détachées* à tour de rôle de mai 1956 à mai 1962, sur la base aérienne de Télergma (avec parfois des détachements à Alger, Biskra ou Tebessa) et mises pour emploi aux ordres du GATAC.1. En compagnie des aéronefs de l’Armée de l’Air (B.26, Thunderbolt, T6, Skyraider ou autres) elles ont pour missions, la reconnaissance à vue, l’appui-feu et le bombardement.

Les flottilles 11F et 16F dotées d’Aquilon participent à ces missions en 1958 et 1959, afin de surveiller l’espace aérien. Épisodiquement des Privateer de la 28F  mis pour emploi à Télergma, sont associés à ces bombardements.

*La flottille14F inaugure ces détachements en mai 1956 et les clos en mai 1962.La 17F n’y est incorporée qu’entre décembre 1959 et mars 1962. La 12F de son côté,  entame sa série en juin 1956 et la termine en avril 1962. La 15F quant à elle, débute cette mission en juillet 1956 et cesse d’y participer en octobre 1959.

 

Ne pouvant énumérer les nombreuses opérations dans lesquelles ont été intéressés nos chasseurs de l’Aéronautique navale, nous nous contenterons de signaler que ces missions ont eu pour objet le traitement de campements, de mechtas, et d’abris en forêts ou montagnes. Ces abris dont usaient les rebelles passés maîtres dans l’art du camouflage et desquels il était difficile de les extirper, étaient alors mitraillés ou bombardés, particulièrement dans les reliefs tourmentés du massif de l’Aurès*, montagnes n’offrant guère de passages pour les troupes qui combattaient  au sol.

*S’étendant sur environ 150 km, ce massif formé de trois importantes chaînes de montagnes où certains sommets dépassent les 2000 mètres d’altitude est en partie recouvert de forêts ou de buissons épineux. Il est traversé par deux grands oueds, l’ El Abiod et l’El Abdi. Situé non loin de la frontière tunisienne, il a été utilisé par les rebelles afin d’y stocker du matériel et s’y entraîner.

 

Outre ses 4 canons de 20 mm dont il était doté, le Corsair pouvait être gréé avec des roquettes, des bombes ou des bidons de napalm.

 

        

 

 

La surveillance des frontières terrestres

Les deux barrages installés au long des frontières marocaine et tunisienne et censés interdire l’entrée sur le sol algérien des rebelles en instruction dans les deux autres pays, sont constitués de réseaux barbelés et électrifiés. Le terrain miné à partir de 1958, est surveillé par radars-canons. Parmi les quelques 80 000 hommes servant sur ces barrages, des radaristes de la Marine Nationale servent dans l’UDSM (unité de détection au sol de la Marine, créée en juillet 1957). Des électromécaniciens également de la Marine, assurent dans un autre service, la maintenance du réseau électrifié.

Se souvenant de l’action des Privateer lors des combats d’Indochine, l’Armée de l’Air fait appel à la Marine, afin d’utiliser ces derniers dans la surveillance aérienne de ces barrages. C’est ainsi que la flottille 28F,  intégrée dans ce dispositif à compter d’août 1956 avec deux appareils détachés à cet effet, se voit confier et alternativement sous les ordres des GATAC 1 et 2, une part de cette mission : reconnaissance, mitraillage ou bombardement éventuels ainsi que photographies. A partir de 1958, afin  d’aider les troupes au sol, une nouvelle technique y est rajoutée et qui consiste à larguer des éclairants dénommés "Lucioles".

Pour information voici ci-dessous, quelques extraits d’un compte rendu annuel d’activité, rédigé en juillet 1959 par le CC LE BAIL commandant de la flottille 28F :

« En principe, les missions restent celles qui étaient définies par l’instruction 854 EM3/OPS d’AlAirMed du 30 septembre 1957, à savoir : bombardement de jour et de nuit à moyenne altitude, reconnaissance photographique, reconnaissance armée, mitraillage à une altitude supérieure à 1 000 pieds. Cependant, on note une évolution de ces missions au profit d’une alerte permanente nocturne et de l’appui direct des troupes de l’Armée de terre par bombes éclairantes "Lucioles". Chaque nuit deux Privateer se trouvent donc en l’air à chaque extrémité de l’Algérie : un du côté de la frontière marocaine, l’autre de la tunisienne. La surveillance nocturne de la frontière Ouest s’effectue de Nemours à Figuig. S’il arrive que des missions particulières soient précisées (surveillance de la voie ferrée Oran – Aïn Sefra par le Kraider de Méchéria, survol des postes isolés des monts des Ksours), le travail nocturne s’effectue en général entre le poste d’El Aricha au sud des monts de Tlemcen. D’El Aricha à Méchéria, le Privateer travaille en coopération avec les stations radar Cotal des postes.  Ces stations lui font effectuer des bombardements soit à priori en harcèlement, soit éventuellement sur écho radar………. De Méchéria à Figuig, les opérations de lucioles prennent le pas sur celles de bombardement. En effet le relief se relève à partir d’Aïn-Sefra. Les montagnes (djebel Mekter) empêchent l’établissement d’une couverture radar et facilitent le passage des troupes FLN, qui, apparemment, répugnent de plus en plus à traverser la zone découverte des plateaux.

Les méthodes de travail sur la ligne Morice, à l’Est sont légèrement différentes. Le barrage en effet comporte quelquefois quatre ramifications. D’autre part, la zone comprise entre le barrage et la frontière n’est pas interdite. On estime au contraire qu’elle abrite plus de 20 000 personnes. Aussi les missions de bombardement sont-elles moins systématiques. Elles n’ont lieu que sur objectif dûment déterminé par le GATAC, de jour au viseur Norden, de nuit par chronométrage à partir d’un point de repère facile. La mission standard de surveillance est alors plutôt une mission avec lucioles. Avec un chargement de 80 lucioles, l’avion fait des allers-retours entre Bône et Négrine. Mais dans tout le Constantinois, les troupes à terre ont pris l’habitude du Privateer qui, ainsi, peut être amené à intervenir ailleurs que sur le barrage, à n’importe quel point de la zone du GATAC.1 et de plus dans un délai relativement court……. En définitive, à part l’intérêt pratique du bombardement et de l’éclairage par lucioles, cette alerte permanente en l’air est excellente sur le plan psychologique, tant contre les adversaires qui se sentent harcelés  que chez les amis, qui se sentent soutenus… »

 

L’escadrille 4S avec sa section de 4 Lancaster, est sollicitée à son tour en 1958. Sous les directives du GATAC.2 et à partir de la base aéronavale de Lartigue, elle assume jusqu’en janvier 1960. Les flottilles d’avions Neptune, 21F et 22F, devenues aptes à cette mission y sont intégrées à compter d’octobre 1960.

L’escadrille 4S cesse ce genre de mission en janvier 1960 avec le retrait du service de ses vieux Lancaster.

Après avoir  effectué plus de 7 000 heures de vols opérationnels diurnes et 3 000 nocturnes depuis son retour d’Indochine, la flottille 28F est retirée de cette surveillance en fin d’année 1960 (Ses Privateer sont condamnés et elle se reconvertit et s’entraîne dès lors sur Neptune P2V6). Seules les 21F et 22F poursuivent cette tâche jusqu’en juin 1962.

In memoriam : Le 21 mai 1957 voit la perte du Privateer 28F-4, qui s’écrase dans le massif de l’Aurès (montagnes du Némentcha). Le bilan humain s’élève à  9 morts (Dont deux rescapés parmi l’équipage qui sont capturés par les rebelles et que l’on ne reverra plus jamais).

 

  

 

Les hélicoptères

L’histoire en terre algérienne de ces hélicoptères, bien que nous la connaissions, nous ne pouvons l’esquisser ici  qu’à grands traits. Il est conseillé aux personnes qui seraient intéressées par ce sujet, la lecture de trois livres s’y rapportant : DJEBEL AMOUR, DJEBEL AMER écrit par le Contre-amiral Michel HEGER, LES HELICOS DU DÉSERT de Marc FLAMENT et HELICOPTERES ET COMMANDOS MARINE EN ALGÉRIE rédigé par René BAIL. Néanmoins pour illustrer cette épopée, nous nous permettons de retranscrire ci-dessous une partie de la dédicace d’un de ces livres, rédigée par le Général Marcel BIGEARD :

"…Parmi les hommes qui ont permis la mise au point d’un outil de combat redoutable et totalement innovant, parmi ces pilotes et mécaniciens des trois armées, des gars super, je garde cependant une pensée particulière et amicale pour les marins parce qu’au fond ce n’était pas leur destin, au départ, de venir à nos côtés. Pourtant, dès le début de la guerre d’Algérie, ils ont quitté leurs espaces salés sans état d’âme et se sont rapidement transformés en véritables guerriers du djebel. Toujours présents sur le terrain, jour et nuit, quels que soient les risques, vivant à la para, nomadisant sans cesse, imaginatifs, téméraires, diablement habiles aux commandes ou derrière leurs canons, ils se montraient vraiment dignes de ma devise « croire et oser ». Ils m’ont d’ailleurs permis de jolis coups, du côté de Saïda et, lors d’évacuations souvent périlleuses, récupéré bon nombre de mes gars blessés qui leur doivent probablement la vie…"

 

Deux S-55 (nommés également H.19) de l’escadrille 10S de Fréjus-Saint Raphaël se posent à Aïn Arnat (terrain de Sétif) en juin 1955. Ces deux appareils inaugurent  l’entrée en service des hélicoptères de l’Aéronautique Navale sur le sol algérien. Incorporés dans le GH.2 (groupement d’hélicoptères n° 2 de l’ALAT), ils sont expérimentés et utilisés en mission d’assaut au profit de l’Armée de terre ou de régiments de la Légion Étrangère.

En opération dans le djebel Bou Andas le 6 avril 1956, le premier des deux (le 10S-26), est sérieusement touché par des tirs rebelles et se crashe sans perte humaine. Huit jours plus tard, après avoir embarqué un groupe de gendarmes dans le Djebel Akral, le pilote du 10S-27 décolle son appareil, mais par suite d’un vent rabattant et certainement de surcharge, l’appareil retombe au sol et se renverse, sans occasionner de morts parmi l’équipage et le stick transporté. Les 2 appareils accidentés, après remise en état, réintègrent  alors Fréjus-Saint Raphaël.

Entre-temps un certain nombre de personnels rallie Sétif  le 7 juin 1956, suit un entraînement sur trois H-21 et forme le noyau de la flottille 31F qui est créée officiellement le 1er août. Intégrée également dans le GH.2 de l’ALAT à Sétif, la flottille est néanmoins administrée par la BAN Alger Maison Blanche. Destinée au transport de troupes d’assaut dans la région de Constantine, la 31F est progressivement armée avec de nouveaux H-21 (Bananes),  en provenance de Métropole (Sa dotation s’élève au nombre de 7 en décembre 1956 et 8 en fin d’année 1957).

Participant à de très nombreuses opérations, notamment dans les Aurès et les Némentchas, elle réalise près de 1500 heures de vol en 1956 et environ 2500 en 1957. Deux appareils touchés par des tirs rebelles sont perdus durant cette période : Le 31F-5 le 25 janvier 1957 (ou l’on déplore 3 morts) et le 31F-6 le 3 avril (sans perte humaine).

En décembre 1957, la flottille quitte Sétif et rallie Sidi Bel Abbès dans l’Oranie, en étant rattachée administrativement à la BAN Lartigue, après avoir été commandée successivement depuis sa création, par les LV Jacques BALLY (jusqu’en juin 1957), en intérim durant 3 mois par le LV Pierre MICHEL, et enfin par le LV Eugène BABOT (à partir de septembre 1957).

 

  

 

Revenons en arrière. Le 7 juin 1957 sur le terrain d’Alger Maison Blanche, une nouvelle flottille voit le jour sous le commandement du LV Michel LOYER. Elle prend l’appellation de 33F et se voit progressivement dotée d’hélicoptères H-19D. Devenue opérationnelle en septembre et stationnée depuis juillet à Lartigue, elle s’essaime dès lors en divers détachements composés de deux appareils dans l’Oranie afin d’assurer des liaisons opérationnelles, des EVASAN ou des ravitaillements de postes.

Le 1er novembre 1957 à Lartigue est créé le groupe d’hélicoptères de la Marine (GHAN 1). Réunissant tout d’abord les 31 et 33F, ce groupe va s’enrichir dès le 1er trimestre 1958 en  incorporant la toute nouvelle flottille 32F formée à Cuers le 1er janvier 1958, et qui armée de Sikorsky HSS-1 débarque en Algérie le 18 février. Le lendemain le LV Pierre MICHEL (L’ex de la 31F) est reconnu comme son commandant.

Opérant en détachements, les équipages ainsi que le personnel au sol  des trois flottilles, exercent dans des conditions climatiques et matérielles assez rudes (hiver froid dans les montagnes et températures caniculaires durant l’été).

Oeuvrant depuis Sidi Bel Abbès, la 31F durant l’année 1958 détache deux de ses appareils à El-Aricha en février, ces derniers participant à des bombardements de nuit sur le barrage marocain. Un autre détachement  se trouve à Batna (Aurès) en février et mars. Un troisième, composé de 5 appareils est positionné à Bir-El-Ater (Constantinois) de février à juillet où il se trouve confronté aux rudes combats de Souk-Ahras en avril, combats au cours desquels plus de 800 rebelles sont mis hors de combat. Au second semestre de cette année, la flottille opère à nouveau dans l’Oranie (Environs de Géryville en août et septembre et dans le massif de  l’Ouarsenis, à l’Est d’Oran, en novembre).

La 32F de son côté opère en début d’année sur la frontière marocaine à partir de Tlemcen. Un détachement est positionné par la suite à El-Aricha, Méchéria et Saïda. La flottille durant cette année va mettre au point l’hélicoptère canon (canon de 20 mm sur affût mobile installé  à l’intérieur de l’appareil et tirant depuis l’ouverture de la porte cargo). Dénommés "Rameur Canon"*, deux de ces hélicoptères sont équipés de cet armement et commencent à l’utiliser en fin d’année.

*"Rameur" à cette époque est l’indicatif  de la flottille 32F, "Barlu" est celui de la 33F et "Marine" est réservé à la 31F.

La 33F quant à elle, et durant le cours de l’année, se voit éparpillée en de nombreux détachements dans l’Oranie. Le 25 septembre, le LV Philippe GHESQUIERE prend la succession du LV LOYER, à la tête de la flottille.

 

Le premier semestre de l’année 1959, marqué par le début d’application du plan CHALLE visant à éliminer les katibas du sol algérien, voit augmenter de façon très sensible l’activité des formations d’hélicoptères. De très nombreuses missions d’appui feu et de transports de troupes d’assaut, sont alors effectuées par nos trois flottilles. La 31F qui opère à partir de Sidi-Bel-Abbès va la voir en action durant le mois de mars, en compagnie de la DBFM et d’un commando de l’Armée de l’Air, sur les hauts plateaux du sud Oranais.  Au cours de cette opération, plus de 170 hommes d’une katiba sont éliminés.  Opérant ensuite dans les alentours d’Aïn-Sefra avec le 2° REI elle est ensuite déployée dans l’Oranais puis dans le Constantinois. En avril de cette année, la flottille expérimente et met au point l’hélicoptère doté d’un canon (MG 151 de 20 mm) qui s’inspire de celui imaginé par la 32F. Le 23 juin 1959, le LV Raymond AUGER remplace BABOT, à la tête de la flottille.

La 32F dont le LV Georges QUINIO a pris le commandement le 7 mars en remplacement de MICHEL, se voit dispersée en plusieurs DIH (Méchéria, Aïn-Sefra, Saïda, Aflou, Géryville, Frenda etc..).

De son côté et toujours placée sous les ordres de GHESQUIERE, la 33F entretient divers détachements dans le  sud de l’Oranie. Début juillet ses hélicoptères H-19 lui sont retirés et remplacés par des HSS-1. Après entraînement sur ces nouveaux destriers, la flottille est déclarée opérationnelle le 1er octobre.

 

  

 

En juin 1959, les commandos-marine (de Montfort, de Penfentenyo, Jaubert et Trepel) sont réunis dans un groupement dénommé GROUCO.

De leur côté, les trois flottilles d’hélicoptères sont rassemblées depuis novembre 1957 au sein du GHAN.1. Ce groupement après avoir été commandé par les CC André LEBARBIER, puis Marc MONNIER, est placé à compter du 26 juin 1959 sous les ordres d’Eugène BABOT qui vient de quitter son commandement à la 31F. A compter de ce moment, l’activité opérationnelle des trois flottilles est pratiquement liée aux activités opérationnelles des commandos. On les voit opérer ensembles dès le mois de janvier 1960 à Frenda. Lors de l’opération "Sauterelle" déclenchée le 5 février, ZACHARIA (ancien sergent déserteur de l’Armée française, devenu depuis adjoint militaire de la willaya 5) est abattu après une longue traque lors d’une offensive menée par le commando Jaubert héliporté par les HSS. La mort de ce dernier,  après l’élimination de nombreux chefs ou d’adjoints de willayas, va ébranler profondément dès lors  le moral des troupes de l’ALN.

A compter de février, la 31F commence à se rééquiper avec des HSS, reverse ses H-21 à l’ALAT de Sidi Bel Abbès et rejoint Lartigue en avril. Le GHAN.1 quant à lui est jumelé officiellement au GROUCO le 19 avril 1960 à Arzew.

A partir du mois de mai le GROUCO s’installe près de Géryville dans le sud-oranais en compagnie des hélicoptères des 32F et 33F et opère contre des Katibas ayant franchi le barrage. Au cours de ces opérations, près de 270 rebelles sont abattus. De nombreux détachements émaillent ensuite le restant de l’année 1960 au cours desquels le personnel des flottilles participe à de nombreuses opérations, mais continue à nomadiser soutenu matériellement par la BM2* (Base mobile n° 2).

*Transférée de Tunisie en Algérie en septembre 1958, elle soutient grâce à son important matériel, les flottilles d’hélicoptères du GHAN.1 qui nomadisent en Oranie.

 

1961 voit les bandes rebelles très éparpillées après les rudes coups qui lui ont été données durant les deux précédentes années. Afin de finir de les pourchasser, les détachements  sont constitués en deux unités d’intervention héliportées appelées UIH, chacune comprenant 3 hélicoptères de transport et 1 armé de canon.

Les flottilles opèrent généralement dans le sud de l’Oranie. Le 17 janvier, un HSS canon de la 31F est abattu par un tir ennemi (Les 4 membres d’équipage périssent dans l’explosion).

Quelques opérations menées durant cette année là par nos hélicoptères mettent hors de combat un certain nombre de rebelles : Le 12 avril l’hélico-canon de la 33F abat 37 d’entre eux et le 25 avril, un détachement composé de 7 hélicoptères (dont 2 armés de canons) en élimine une cinquantaine, dans le Djebel Debissa.

La 31F quitte l’Algérie durant le mois d’août,  rentre en France et s’installe à Saint-Mandrier afin de se reconvertir en flottille ASM.

Jusqu’au 19 mars 1962, les 32F et 33F continuent de leurs côtés les opérations. La 32F déplore le 30 janvier de cette année lors d’une évacuation sanitaire dans la région d’Aflou, la perte de l’un de ses équipages (Cdt de bord, LV MIGET), l’hélicoptère ayant explosé après avoir heurté le flanc d’une montagne.

Près de 250 000 combattants transportés, quelques 3 600 blessés évacués et 40 000 heures de vols effectués en opérations, tel est le bilan affiché par ces trois flottilles au lendemain du cessez le feu en Algérie.

 

     

 

Épilogue

- La flottille 32F quitte l’Algérie le 24 juillet 1962 et rejoint sa consoeur la 31F, à Saint Mandrier.

- La flottille 33F part à destination de la Métropole durant le mois d’août 1962 et se voit affectée momentanément à Fréjus-Saint-Raphaël, en attendant d’être mutée en juin 1964 sur la BAN de Saint- Mandrier.

- La flottille 21F est affectée à Nîmes Garons en novembre 1963.

- La flottille 22F quitte Lartigue en avril 1963 et séjourne à Nîmes jusqu’en novembre. Elle revient à Lartigue  jusqu’en février 1964 puis réintègre définitivement Nîmes.

- La flottille 28F rejoint Nîmes Garons en septembre 1962 puis est dissoute en avril 1963.

- L'escadrille 4S est dissoute à Lartigue en juillet 1963.

- La base d’aéronautique navale de Lartigue quant à elle, ferme ses portes en mai 1964, après que celle d’Alger Maison Blanche l’ait fait en août 1962.