LA TRAPPE
Ben y faut dire que j’étais chouf. Mais pas n’importe lequel "AU DESSUS DE 10" (prononcez dize). Bien que muni de tout mon viatique, la marine n’avait pas les moyens de ses ambitions. J’étais donc général mexicain... pilote de cruz. La place était bonne et comme je disais chouf au-dessus de dix c’est pas un grade, c’est un état d’esprit, un art de vivre. La référence pour les jeunes matelots et quartier-maitres, il était aussi la couille droite de son patron. Surtout le jeudi "jour en i" où après l’apéro, le vin de précision, le steack, les frites et le dijo, il arrivait que le carré se transforme en golfe de Gasgogne force 8. Fallait bien mettre tout le monde au boulot.
Pour l’affaire qui nous intéresse, j’étais embarqué sur un 1000 CV L'EFFICACE. J’étais parti un matin dans l’arsenal ayant divers choses à régler. Je rentre à bord vers 10h00. Les gars faisaient une drôle de tête. Me demandait bien ce qui arrivait. Plus ça allait y’avait même des sourires narquois. Bon à la fin j’en concluais qu’ils étaient aussi fada que d’habitude.
Ce que je ne savais pas c’est que le vago était rentré du courrier et que dedans le courrier y avait ma promotion au grade de second. Terminés le mexique et les cruz. Mais pas fini pour moi. A bord, on entretenait durablement les us et coutumes de la royale et la trappe en faisait partie.
Ah mon vieux !... vers 11h30, convoqué chez le pacha qui me dit "te voilà chef félicitations" et le chef mach qui était aussi le Président du carré de dire "Nous respecterons bien sur le protocole en vigueur". Je fus happé, descendu dans le poste équipage, ils ont lacéré tous mes vêtements même les godasses... tout y est passé puis après m’avoir copieusement enduit de toutes les graisses du bord y m’ont ficelé dans le brancard et direction la plage arrière et chantant adieu cher camarade adieu faut nous quitter....
Sur la plage arrière comité de réception du Cdt et de tous les membres du carré. Tiré de mon brancard, on me capella une brassière SDA sur le dos, re-couche de graisse pour le cas où, puis de la suie importé direct de la cheminée. Ma brassière fut amarré sur le croc de la bigue de charge qui nous servait pour mettre le tam-tam à l’eau (bruiteur), ils sctochèrent une coupe de champagne à ma main droite , la remplirent de bière (petit budget va..) et ils brassèrent la bigue à l’extérieur où la PENFELD n’attendait que moi. Je dus boire ma toche et aussitôt après premier voyage, A virer, évidemment la coupe était pleine d’eau de mer qui fut promptement complétée à la bière et rebelote en haut en bas, en haut en bas, en haut en bas. Là je restais en bas à barboter vu qu’ils préparaient mon grand poste de lavage (balais brosse, tipol et manche de 45. Pour être lavé là je le fus... j’ai ramassé. Puis, l’heure passant, le Président décida qu’il était temps d’aller boire la tournée du nouveau promu et me dit : "Un officier-marinier c’est toujours à l’heure, démerde toi pour être au carré dans 10 minutes." En fait il me fallut une bonne heure pour me décrasser, j’avais pris le parti de me laver directement sur le ponton où il y avait un raccord de 45 eau douce.Comme tous mes vêtements étaient fichus, je me lavais entierement nu . Faut dire aussi que le poste des 1000 était en amont du pont n°2 juste en face du grand bâtiment de la DCAN plus connu sous le nom de "parc à moules". Appellation non péjorative, ni injurieuse désignant ce lieu où travaille un grand nombre de femmes. Bref je me savonnais, me savonnais et encore et encore lorsque je m’aperçu d’un petit attroupement sur le pont flottant : "ces dames d’en face se rinçaient l’oeil." Grosse rigolade. Je me sentais un peu gené quand même mais les "louises" pas du tout. J’ai du avoir droit à des réflexions gratinées vu que l’eau avec laquelle je me lavais était pas à plus de 10°.
Ensuite direction le carré et action. J’ai gardé un excellent souvenir que cette trappe. Elle avait été organisée pour moi, sans vice ni rancoeur. Je ne sais pas si cette tradition perdure. Il y a quelques années encore on pouvait s’amuser et rire sainement. Merci les gars.
Bernard COZIC
Le Général mexicain La Manoeuff