LA MARINE ET LA LEGION...

 

J'ai servi sur le TRIEUX de 64 à 66 et à cette époque il n'avait pas encore été transformé en porte hélicos donc il n'y avait pas encore de hangar...

A la place il y avait un panneau de cale (entouré de filières retenues par des chandeliers pour éviter les chutes dans la cale) et de chaque côté un trou d'homme pour descendre dans les coursives intérieures (là où il y avait les bannettes pour les passagers). A l'escale de Fort de France (lorsque nous sommes descendus de Cherbourg sur Papeete avec à bord une section de légionnaires - 1 ADJ Chef, 1 ADJ, quelques sergents et une poignée de légios - et pas mal de bulls et autres engins du génie terrestre) étant alors gradé de coupée de 0 à 4 en compagnie d'un sergent chef légionnaire,  nous devions pointer le retour des permissionnaires, le retour à bord étant fixé à 1 heure du matin.

Donc sur le coup d'une heure, les deux juteux montent la coupée et nous demandent si les légionnaires "X" et "Y" sont bien rentrés à bord : "négatif mon Adjudant Chef !" Ils nous racontent alors qu'ils ont surpris ces deux légios en train d'essayer de voler une voiture en ville (ils étaient peut être trop fatigués pour rentrer à pieds, ça arrive, non ?) et qu'ils leur ont donné l'ordre de rentrer immédiatement et sans délai à bord. Donc on va les attendre. Vers 2 heures du matin arrivent nos deux zigotos, le képi blanc en bataille, bras dessus bras dessous et la démarche zigzagante de ceux qui sont restés trop longtemps en mer. Et ils commencent péniblement à monter la coupée... Arrivés en haut, devant les gradés, beau salut sans un mot. Les gradés commencent à les invectiver (en allemand) et leur demandent pourquoi ils ne sont pas rentrés directement (on m'a traduit après car je ne parle pas la langue de Goethe..). Réponse embrouillée tenant plus du gargouillis que de la parole et le premier reçoit une gifle phénoménale qui envoie dinguer son képi sur le quai. "Retourne le chercher et allez vous coucher, on réglera çà demain" . Le SC et moi même assurons les deux juteux qu'on veillera à appliquer leurs ordres et qu'ils peuvent aller se coucher tranquillement. Le légionnaire (avec son képi) remonte à bord et les deux zozos vont se coucher. Pour rejoindre leur bannette il faut descendre par le trou d'homme. Le premier légionnaire descend sans piper mot et c'est bientôt le tour du second à s'engager dans le trou. Clair, ils vont se coucher et le calme va revenir. Que nenni : engagé à moitié dans le trou, le second légionnaire commence à lancer quelques mots (également en allemand bien sûr) et probablement pas des souhaits de bonne nuit aux deux gradés de coupée... puisque en les entendant le sergent chef de la légion (rappelez vous, il était de quart avec moi pour s'occuper de ses bons petits) saute par dessus les filières qui cernaient le panneau de cale comme un cabri, attrape son bon petit par le collet (les deux vociférant à qui mieux mieux) le sort du trou d'homme et commence à lui mettre une avoinée qui m'aurait tué à tous les coups... Certes il ne l'a pas tué mais il l'a laissé étendu pour le compte et tout ensanglanté. On n'est pas vraiment habitué à ça dans la Royale... Mon quartier maître de coupée (un chouf bout de bois) outré devant une telle cruauté se précipite sur le sergent chef en l'insultant et en essayant de le frapper à son tour. Malheureusement pour lui, du haut de son mètre soixante, il ne faisait pas le poids devant l'Hercule de la légion qui l'a d'abord regardé méchamment puis attrapé par le collet : j'ai bien cru qu'il allait lui faire subir le même sort qu'a son légionnaire (lequel entre temps s'était relevé et avait filé sans demander son reste) aussi suis-je intervenu pour que le massacre n'aie pas lieu. C'est beau, hein...

Le lendemain matin, sur mon insistance, le chouf est allé présenter ses excuses au chef légionnaire (qui les a acceptées) et tout est rentré dans l'ordre. Quand au légionnaire trop bavard,  il a terminé la traversée dans la boucherie...(vide rassurez vous : on n'est pas des sauvages dans la Royale)

Voilà une aventure avec les Légionnaires avec lesquels d'ailleurs nous avons entretenu les meilleures relations tout au long de notre campagne.
Nous avons même "fait" Camérone en mer, mais ceci est une autre histoire...

Amitiés salées.

 

Fernand LALUC dit La Buse