Les Gendarmes et le "bar des Choufs"

 

Cette histoire d'ouvrir le bar avant l'heure me rappelle une anecdote que si vous le voulez bien je vais vous narrer.
Donc il était une fois en 1969 je crois (je venais de sortir du BS et je n'avais pas encore rallié le MEDOC). L'histoire se passe à la Caserne CHERBOURG (ex- 1er dépôt pour ceux qui ont connu), j'étais Maître fourrier chef du BCM et faute de place pour créer des carrés séparés entre OM et OMS tous les OM prenaient leurs repas ensemble et naturellement le bar était ouvert à tous moyennant un tour de corvée mensuelle chacun.
A cette époque la DCAN faisait des essais de pétardage pour tester les soudures des tôles destinées aux futurs Sous marin de bombardement (alias SNLE) dans le val de Saire (entre Cherbourg et Barfleur). Et comme çà faisait du bruit les paysans du coin g... ferme vu que leurs vaches étaient stressées donc moins productives. Que fit-on alors pour calmer les ardeurs paysannes : on fit appel aux Gendarmes mobiles de Condé Sur Noireau dans l'Orne.
Ils débarquèrent un beau jour chez nous et je dois dire que nous les reçûmes fort bien comme on sait le faire dans la Royale.
Ils étaient bien une centaine. Le matin sur le coup des 4 heures ils partaient avec casque et fusil baliser le terrain autour des essais pour que tout se passe bien. Et ils revenaient sur le coup des 13 h complètement déshydratés. Conséquence bar pris d'assaut (ce mois là j'étais chef de bar) et ronde de Kro pour enlever la poussière de la route. Après avoir ingurgité plusieurs bières et plus vite qu'il ne faut pour le dire et s'étant ainsi désaérés ces braves gens passaient aux choses sérieuses : l'apéro. Enfer et damnation. Là j'en ai appris des choses : certains prenaient une seule dose de "jone" à la fois, d'autres réclament un "jone de carrière", késako ? : un gendarme de carrière porte deux galons donc 2 doses de jone,  CQFD. Inutile de vous dire que lorsque on m'a commandé un colonel j'ai tout de suite percuté : 5 doses...Au bout de trois semaines pendant lesquelles j'ai violé le sacro saint règlement des quantités de boisson à embarquer (tant de cl par homme et par jour)J'allais quand même pas laissé mourir sur pied des frères d'armes ! Alors chaque matin dans ma 204 personnelle j'allais acheter au casino do coin une caisse de Ricard de 12 cartouches pour lesquelles d'ailleurs le directeur me faisait des prix : on est bon client ou pas.
Pour info la caserne était hors arsenal dons pas de flicmar (çà aidait)
Et un beau jour il fallut se quitter. Départ prévu à 14 h après le déjeuner. Donc à l'heure dite tout le monde fin prêt : motards en tête et les autres dans les camions. On n'attendait plus pour partir que les officiers invités au carré. 14h 30 toujours pas d'off, 15 h, début de la débandade. Quelques gendarmes sont venus en délégation dans mon bureau pour que j'ouvre le bar, ce que j'ai fait et là je vous dis pas ils m'ont séché ma réserve de Kro en 5/7. Et puis les officiers sont enfin sortis du carré le teint enluminé par la brise maritime cherbourgeoise et çà a été en pagaille couvrez. Ah que c'était dur de monter dans un camion surtout quand on est beurrés comme des petits lu (y compris les motards...)Et tout ce beau monde est parti avec des larmes aux yeux(toujours cette foutue brise cherbourgeoise...) et au moins 3 grammes dans chaque poche.
Résultat : j'ai eu la palme du meilleur chef de bar et j'ai été invité à Condé sur Noireau mais j'ai bien pris garde de ne pas y aller....J'avais connu ce genre d'aventures chez les légionnaires à PPT (ceux que nous avions amené avec nous de Cherbourg sur le TRIEUX et auxquels nous avions offert une fête de Camerone en mer qu'ils n'ont jamais oubliée). Se faire ramener en camion complètement dans le coaltar çà va une fois, deux fois c'est du vice.
Salut les choufs, j'espère que çà vous a plu....

Fernand LALUC dit La Buse