Quand mon rêve devint réalité...
 
 
La première fois que je foulais le pont d'un navire, ce fut celui de l'escorteur rapide LE BÉARNAIS en 1965. Ayant eu la chance de faire le premier "cours long" (cours du B.E. et de Q.M. en un an), nous avions un stage embarqué à effectuer entre les deux cours. A la mi-mai je ralliais donc Toulon en provenance de l'école des fusibles de Cherbourg.
Sac sur l'épaule et valise à la main, ayant demandé mon chemin au gendarme maritime à la porte, j'arrivais au quai Noël où se trouvaient amarrés les rapides. Je fus pris en main par la bidellerie qui m'affecta une bannette au poste avant près de deux gros tubes verticaux. Le QM qui m'accompagnais me dit avec un petit sourire : "y'a pas de place ailleurs tu va dormir avec le fantôme" (??????)
 
Nous partions quelques jours après pour effectuer l'exercice d'entraînement "Fair Game" en Méditerranée. Mouvements d'embarquement effectués, je me mis sur les rangs pour passer les permissionnaires. Sûrement habillé comme l'as de pique avec ma tenue qui avais le "coup de fer SNCF", le Second-Maître de service s'approcha de moi et, brave homme, mon ancien rectifia ma tenue en souriant. Je passerais sur la visite obligatoire au Clapotis et autres "lieux de perdition" où souvent les tenancières servaient de "deuxième mères" aux gamins que nous étions encore.
 
Chaudières sous pression, "Hommes de porte-voix et de transmission à leur poste". Le bord sur D.A., Câbles de terre rentrés, Essais sifflets sirènes... "la machine demande à balancer".... "Poste de manoeuvre général"... "Fin de liaison avec la terre, rentrez les câbles téléphoniques"... "rentrez la coupée"....Amarres larguées, notre fier vaisseau décolla du quai, puis traversant la rade, gagna la haute mer.
 
La mer était calme pour mes "premiers tours d'hélices au cul", Neptune était clément avec son novice. Après le repas du soir, arriva rapidement l'heure d'aller dormir, je rejoignis rapidement ma bannette ayant à récupérer de mon voyage et de ma sortie à terre.  Le Béarnais roulant gentiment, je compris rapidement qui était ce fameux fantôme... Les chaînes tapaient d'un bord, de l'autre à l'intérieur des "gros tubes"... les puits aux chaînes, traversant le poste 1, juste sous la plage avant, après la soute du bosco. Quelque jours après, je fus admis à dormir à l'arrière avec les Choufs et là ce fut le ronron des presses à huile de la barre qui berça mon sommeil.
 
Je n'ai pas connu les hamacs (regrets...), le Béarnais venant de recevoir ses bannettes, mais pas encore de cafétéria, nous mangions sur des tables rabattables au poste milieu . Étant un des plus jeunes, j'allais, pour les repas, à l'avant chez le commis chercher ce qui n'était pas du ressort du cuistot, sans oublier le rouge! Remonter de chez le commis les bras chargés par grosse mer, c'était du sport... il fallait attendre que le bateau relève du nez pour suivre le mouvement sinon c'était impossible et surtout sans renverser! Puis aller chercher le reste au passe-plats de la cuisine dans la coursive (bâbord milieu).
 
En fin de repas après avoir desservi, nettoyé les tables, sauvé le restant de rouge (si, si, ça arrivait...) dans un bidon que l'on suspendait avec un esse au chemin de câbles au dessus de la table où les Choufs tapaient le carton. Enfin vaisselle à la souillarde (tribord milieu) à l'eau de mer, pas d'eau douce pour ça. Les bouilleurs étant souvent en panne, je me rappelle aussi les douches au savon spécial pour eau de mer. Dans la boîte à souvenirs... les chiottes à la turque en inox, qui lorsque le clapet de pied était bloqué, étaient "repeints" avec la peinture que vous imaginez... Dur, dur si un de nous était en "position"...
 
J'arrête pour aujourd'hui. Vous conterai plus tard mon débarquement en urgence et "l'époque où les Choufs sortaient les matelots"
 
Bon bateau, bonne ambiance... Et puis c'était le premier, là où je commençais à réaliser mon rêve de gosse.
 
 
Gérard BOULANGER dit COLBUCHE.